Embarras
causé par la mort du frère Tourniquet. Projet d'installation du père de Varax à
Vaugirard. Etablissement du petit et grand noviciat. L'amour maternel.
Chaville,
12 juillet 1871
Bien cher ami et fils en N.S.,
J'ai bien reçu vos deux lettres des 6 et 10 juillet. Je pensais bien que, comme
nous, vous éprouveriez une profonde affliction de la mort de notre bien-aimé f.
Jean-Marie [Tourniquet], et que, comme nous aussi, vous seriez frappé de ses
conséquences relativement aux plans dont le Conseil étudiait avec vous
l'exécution.
En effet, M. Derny ne pourra guère aisément être retiré de Ste-Anne,
Dieu venant de nous prendre celui que nous destinions pour la Direction de cette
maison. D'autre part, M. Faÿ croit que M. Coquerel est absolument nécessaire à
Tournay; M. Risse parle de même de M. Baumert pour Metz; il devient par là même
nécessaire de rappeler M. Faÿ. Que veut nous indiquer la Providence en nous
ôtant ainsi la libre disposition de nos instruments?
Ayant dans votre solitude plus de calme pour prier, réfléchir et combiner,
peut-être trouverez-vous une issue à cette impasse? Ne sera-t-il pas difficile,
dans l'état actuel de nos affaires et avec l'amoindrissement de notre
personnel, d'établir deux Noviciats en deux lieux séparés? Ne vaudrait-il pas
mieux employer toutes nos ressources pécuniaires et concentrer tout notre
personnel disponible dans un seul Noviciat, au moins pour cette année, soit à
Vaugirard, soit à Chaville où l'installation des logements serait fort
simplifiée et qui, dans le cas contraire, demeurerait sans destination utile et
avec des charges encore assez lourdes?
Sans nette vue précise et à titre d'étude seulement, je vous signale ces points
qui méritent notre attention. Pour cet examen, la liste des membres de la Congrégation peut
vous être utile; je vous l'envoie pour le cas où vous ne l'auriez pas. L'ayant
sous les yeux, vous ferez mieux les diverses combinaisons possibles pour le
classement des frères en chaque maison.
La préparation des logements paraîtrait demander que l'on s'arrêtât sans trop
tarder à un parti quelconque. Dans le cas, en effet, où vous croiriez que
Vaugirard dût être préféré comme Noviciat et Maison-Mère, vous auriez à vous décider
sur les conditions de votre installation, soit dans le logement que j'occupe
présentement, augmenté de la pièce de l'économat qui serait affectée à votre
secrétaire, soit en tel autre endroit que vous jugeriez plus convenable. Dans
le premier cas, M. Audrin établirait son bureau dans une partie du parloir
(près du concierge), dont le reste garderait son usage actuel.
D'après l'avis de MM. Myionnet et Audrin, mon propre logement serait alors
transféré dans la salle d'étude, et la pièce de la menuiserie, en face de la
bibliothèque, deviendrait salle d'étude.
Il semblerait désirable que la disposition, quelle qu'elle fût, qui serait
adoptée fût réalisée au plus tôt; autrement, les travaux à faire seraient pour
vous, à votre retour, un notable dérangement et ajourneraient fâcheusement
l'établissement des services et l'état régulier qui a été déjà bien différé.
Je le répète, mon bien cher ami, je ne précise rien, je soumets simplement ces
questions à votre examen; si vous pensez que mieux vaut ne rien arrêter
présentement, nous attendrons votre retour, mais y penser à l'avance ne serait
pas au moins sans avantages.
Quant aux difficultés relatives aux affaires d'Amiens, je n'y réponds pas aujourd'hui,
M. Caille et M. Trousseau devant venir vendredi pour s'entendre avec nous et
régler les choses pour le mieux. Demandez à Dieu que nous atteignions ce but.
La publicité à donner dans la Revue
des Associations Catholiques à la création de la Commission est
subordonnée aux résultats de cette entrevue.
J'ai reçu hier le timbre humide que vous aviez commandé à Arras. J'en accuserai
réception au graveur et paierai les 30f
qu'il réclame, dès que vous aurez donné votre approbation ou vos observations.
Je ferai votre commission près de M. Maignen pour les lettres d'obédience. Je
partage votre avis sur le moment à choisir pour notifier aux ff. votre exaltation.
L'importance de la chose sera ainsi mieux sentie. Nous suivons avec le plus vif
intérêt les détails que vous nous donnez sur votre santé; puissiez-vous nous la
rapporter vigoureuse, solide, afin que nous en puissions tirer tout le parti
possible.
Veuillez offrir à Mme de Varax nos plus respectueux souvenirs. Ce
n'est pas sans attendrissement que je vois de loin cette vénérée Mère copiant
patiemment vos grimoires. Je m'enfonce de plus en plus dans mon admiration pour
l'amour des mères; comme je vous l'ai dit, c'est le dernier refuge de mes
complaisances, en ce qui est de la terre.
Adieu, mon bien cher ami et fils en N.S.; tous nos ff. vous aiment et vous
attendent, et vous feront au retour le plus cordial accueil.
Votre tout affectionné ami et Père en N.S.
Le Prevost
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