Sollicitude
paternelle pour la santé du frère Paillé. Installation du père de Varax.
Demeurer dans l'abandon et la confiance "dans l'amoureuse
bonté de Dieu", car "à brebis tondue, Dieu mesure le vent".
Chaville,
23 août 1871
Mon bien cher ami et fils en N.S.,
Nous attendions de vos nouvelles avec quelque impatience; je désirais vivement,
en particulier, savoir si les bains de mer semblaient devoir vous réussir; vous
n'avez pu, en m'écrivant, rien préciser encore à ce sujet; mais toutes les
présomptions sont favorables, puisque vous avez pu les supporter sans que la
toux, dont vous étiez souvent incommodé, ait reparu, tout laisse espérer que
vous serez fortifié par l'action si vivifiante de la mer. Nous pouvons penser
surtout que Celui qui est le Maître souverain de la mer et de tous les éléments
la rendra bienfaisante pour vous, puisqu'Il vous a conduit sur ses bords,
choisissant comme à plaisir une plage unie et sûre, afin que votre pied ne
heurte pas contre les pierres. C'est ainsi que le bon Seigneur ménage ses
humbles serviteurs quand ils sont lassés par le travail ou affaiblis par la
maladie; à brebis tondue, Dieu mesure le vent, disent les bonnes gens qui ont
gardé la confiance et la foi.
J'espère que vous trouvez encore des traces bien marquées de ces vertus dans notre
cher pays de Normandie; hélas! il en est bien aujourd'hui où on les trouverait
misérablement effacées. Ainsi, une inquiétude générale gagne tous les esprits
sains sur l'avenir qui se prépare; ce ne sont plus seulement à l'horizon des
points noirs, mais des nuages menaçants qui peuvent recouvrir la foudre. Daigne
le Seigneur épargner son peuple et lui inspirer un salutaire repentir!
Nos enfants de Vaugirard vont demain jeudi faire leur première communion; vous
ne les oublierez pas, je l'espère, et si, contre mon attente, ce souvenir vous
avait échappé, vous prierez après, si ce n'est au moment même; le Seigneur, qui
sait la préparation de nos âmes, aura lu dans votre cœur la volonté de vous
unir à nous dans cette si intéressante solennité.
Je ne vois guère de faits de quelque importance qui méritent de vous être dits;
M. de Varax a été posé régulièrement comme Vicaire Général le vendredi 11, à
notre retraite du mois où tous les ff. avaient été convoqués; tout s'est passé
convenablement à la satisfaction générale; j'avais averti les maisons de
Province, par une circulaire, de la décision prise par le Conseil et, depuis,
M. de Varax a lui-même adressé à nos établissements une lettre à l'occasion de
sa prise de possession de son office.
Les affaires d'Amiens
sont encore en suspens, bien que MM. de Varax et Myionnet y aient fait un
voyage; Dieu seul peut asseoir là les œuvres en ordre solide; il faut le prier
pour cet objet et pour tant d'autres.
Notre p. Beaussier a été fort souffrant d'une dysenterie, assez inquiétante
durant un moment; il va mieux heureusement.
Demeurez, cher ami, en cette voie où Dieu vous attire, d'un grand abandon à sa
volonté divine, d'une entière confiance en son amoureuse bonté; c'est le chemin
des âmes qu'il se réserve, il leur ôte presque le libre arbitre, tant il
les conduit sensiblement, tant elles résistent peu à ses paternelles
directions; quand on est bien établi en cette habitude, on y trouve un grand
repos d'esprit et un doux contentement de cœur: optimam partem elegit quae
non auferetur ab eo453.
Je suis jusqu'ici toujours à Chaville, sauf les vendredis et samedis. Je ne
sais si ces dispositions dureront et si l'on maintiendra cette maison durant
l'hiver; moi aussi, je tâche de me maintenir en ce renoncement dans la volonté
qui me laisse tout disponible dans la main du Seigneur; de cette sorte, il me
trouvera tout dégagé quand il daignera m'appeler à lui; sans hésiter ni tarder,
je répondrai: Adsum, me voici, Seigneur.
Adieu, mon bon et vieil ami; comme il est vrai de dire des vieux amis comme des
vieux vins: ils réchauffent et raniment.
Votre ami et Père en N.S.
Le Prevost
P. S. Bons souvenirs d'amitié à M.
Dupaigne et respects à sa famille; je suis heureux que vous ayez cette société
amie et chrétienne.
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