Epanchement
paternel; encouragements à marcher d'un cœur vaillant aux œuvres de Dieu.
Chaville,
16 décembre 1872
Mon bien cher fils en N.S.,
J'ai reçu en son temps votre bonne petite lettre qui m'a été un aimable
souvenir; je voulais y répondre bien vite, mais on a la marche lourde et lente
quand on a sur les épaules une pesante charge d'années; ce n'est pas une simple
figure, le temps pèse bien réellement: sont-ce les fautes? sont-ce les fatigues
accumulées? on ne saurait le dire, mais de fait le pas se ralentit; serait-ce
donc qu'on craint d'arriver trop vite au but? Je ne le pense pas. Pour vous,
bien cher ami, jeune, robuste et plein d'avenir, marchez aux œuvres saintes que
Dieu attend de vous; un cœur vaillant s'anime et sent l'ardeur à la vue de la
tâche préparée pour lui. Elle est grande aujourd'hui devant tous les serviteurs
du Père de famille, car l'homme ennemi sème tant de mauvais grain que le
bon, clairsemé, semble presque étouffé; mettez bien la main à l'ouvrage, sans
beaucoup regarder aux obstacles. Ils sont inévitables, passez dessus à pieds
joints comme vous le faisiez si bien à la gymnastique; vous ne regardiez guère
à quelque écorchure ou égratignure, qu'importe, il faut se remuer. Faites ainsi
moralement: une contrariété, une blessure d'amour-propre, un bon vouloir mal
compris, autant en emporte le vent!
Voilà, cher enfant, je voulais seulement répondre à vos paroles affectueuses et
la plume, sans mon avis, tourne aux morales et aux conseils. C'est encore
l'effet de l'âge, mais, bien cher ami, c'est aussi l'inspiration du tendre
intérêt que je vous porte; vous sachant aimant, impressionnable, sujet à vous
ombrager à tout choc du cœur, j'ai, comme instinctivement, porté la main de ce
côté, voulant y mettre la force et la résolution; n'est-ce pas vous dire
combien je souhaite pour vous la paix, ce don par excellence du divin Seigneur?
Puisse-t-Il l'entretenir par sa grâce dans votre cœur, afin que, libre et
dispos, vous fassiez votre salut et celui d'une grande multitude d'âmes avant
d'arriver au but final; si près d'y toucher, je regrette d'avoir si peu fait
pour mériter la récompense promise!
Bon souvenir à tous nos frères, partagez avec eux mes tendres dévouements.
Votre ami et Père en N.S.
Le Prevost
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