1736  à M. de Varax

Examen d'une vocation à la vie religieuse.

Chaville, 16 février 1873

            Mon bien cher ami et fils en N.S.,

            J'ai vu le jeune Ménard, que vous m'avez adressé hier, et je me suis assez longuement entretenu avec lui; j'ai été content du résultat de cet examen; j'ai trouvé en lui (Ménard) de la simplicité et de la droiture; il parle modestement de lui, le caractère paraît être aussi satisfaisant. Quand je lui ai demandé ce qu'il désirerait gagner, s'il était pris comme garçon de service: "Ah! à cela, m'a-t-il répondu, je n'y regarde pas, ce que vous voudrez sera bien, je ne désire qu'une chose: être dans une maison religieuse, autrement je ne resterai pas à Paris." Interrogé pourquoi il n'était pas resté à St-Jean de Dieu: "J'y étais entré de grand cœur et touché du dévouement des ff. pour leurs malades; mais je suis jeune, encore un peu, de caractère, le défaut de vie commune et, pour tout avouer, aussi de récréation (les ff. étant constamment retenus par leurs emplois) m'a jeté dans le découragement et dans l'ennui; j'ai pris tout en dégoût et j'ai désiré me retirer." Comme je lui conseillais, avant de se mettre en l'état de domesticité, d'essayer de quelque autre Congrégation, afin de ne pas se fermer le retour à sa primitive vocation qui semblait avoir été sincère: "Je n'ai aucune répugnance à ces devoirs ou pratiques de l'état religieux, mais je me défie de moi, n'ayant pas su persévérer chez les ff. de S^t-Jean de Dieu".

            Je l'ai fait dîner à Chaville et l'y ai retenu assez longtemps pour que M. Paillé ait pu, de ma part, aller consulter les ff. de S^t-Jean de Dieu; ils en pensent beaucoup de bien; il est peu formé encore aux œuvres, mais est fort docile; il ne manque pas d'intelligence et ferait bien, s'il acquérait quelque expérience. Les ff. pensent sincèrement tout ce qu'ils ont écrit d'avantageux sur son compte; les enfants l'ont beaucoup regretté.

            Je me suis hasardé à lui dire quelques mots des travaux et œuvres qui sont dans notre vocation; il m'a répondu qu'il regarderait comme une grâce de Dieu qu'il lui fût permis de faire un essai chez nous comme aspirant.

            Vous verrez si vous n'auriez pas de répugnance à tenter cette épreuve et, en cas affirmatif, où vous trouveriez bien qu'il fît cette probation; vous voudriez bien alors lui dire où il doit apporter ses effets qui sont restés, je crois, à S^t-Jean de Dieu.

            Il est assez bon cordonnier; si vous deviez lui faire passer quelque temps à Chaville, il y aurait de l'occupation; je ne demande rien en ce sens toutefois et n'ajoute cette observation qu'à titre de renseignement.

            Votre tout dévoué ami et Père en N.S.                Le Prevost

            Je doute un peu que ce jeune Ménard soit bien propre aux gros travaux et qu'il fût précisément un remplaçant pour Nicolais. Ce dernier m'a demandé hier qu'on détermine une somme qui servirait à son entretien; ce serait une occasion de l'inviter à se caser ailleurs, mais il n'y pourra parvenir seul et nous ne devrions pas, chrétiennement, le laisser en peine; pourriez-vous l'aider à trouver quelque condition de vie?