Toujours
les dettes de son neveu Emile. Mort subite de Félix His.
Chaville, 4 juin 1873
Chère amies,
Encore une
lettre pour les affaires Michoudet; je vois d'ici un peu d'impatience sur votre
visage, mais je crois que le malheur de cette famille vous touchera. M.
Michoudet, n'ayant plus assez d'ouvrage comme horloger, en suite des tristes
résultats de la guerre et de la
Commune, a été contraint d'abandonner son état; il a essayé
d'établir une crémerie et, ne réussissant qu'insuffisamment, il est mort à la
peine; sa femme, restée seule avec des affaires embarrassées, tombe dans la
misère, et c'est presque comme une aumône qu'elle sollicite un acompte sur la
dette d'Emile. Assurément, cette charge devient bien onéreuse pour vous et
surtout, en donnant encore, vous courrez risque d'avoir, un peu plus tard,
quelque nouvelle instance. Seulement, on peut espérer qu'ayant alors trouvé
quelque emploi, cette pauvre dame pourra attendre moins difficilement le retour
d'Emile; en tout cas, vous auriez poussé jusqu'au bout la bonne volonté pour
soulager sa peine.
Je vous envoie sa lettre, à laquelle
je n'ai point répondu, voulant vous en laisser le soin, afin qu'elle n'ait
désormais plus de difficulté en recourant à vous dans votre éloignement. Je ne
vous conseille rien, mais si, par compassion, vous vouliez lui remettre encore
quelque chose (comme 25f
par exemple), j'en fournirai volontiers la moitié. Gardez sa lettre, parce
qu'elle porte accusé de réception des 90f déjà donnés par vous.
Mme His me prie de vous
dire qu'elle a eu le chagrin de perdre, il y a quinze jours, son fils aîné
Félix, marié à Lyon depuis un an. N'ayant pas trouvé d'emploi, il a cherché une
ressource dans son talent de musique, dans les soirées ou théâtres; en sortant
le soir, ayant chaud, il a gagné un refroidissement dont il est mort. Il a fini
bien chrétiennement, étant entouré de personnes auxquelles nous l'avions
recommandé. Il ne laisse pas d'enfant. Sa mère a dû secourir lui et sa femme et
payer l'enterrement; quelques cents francs y ont encore passé; la pauvre mère
s'épuise pour ses enfants; elle a le cœur haut et dévoué.
Le mauvais temps m'a fatigué, je suis
peu fort et, depuis quelques jours, je souffre des reins. On n'est pas vieux
impunément. Ecrivez-moi. Adieu.
Le Prevost
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