A
propos d'une offrande à affecter aux Œuvres de la
Congrégation.
20 janvier
1874
Mon cher et respectable ami,
Nous vieillissons; je voudrais vous proposer un arrangement qui mettrait un
sceau de plus à notre vieille amitié.
Je viens de faire un petit héritage sur lequel je ne comptais pas et que je
voudrais employer en partie en bonnes œuvres; il y en a déjà d'engagé, mais
lorsque les affaires seront arrangées et que j'y verrai clair, je voudrais
contribuer d'une manière un peu efficace à votre nouveau bâtiment, par exemple
pour 5.000f
au moins et j'espère davantage. Ce n'est pas une promesse, mais une intention
et une espérance sur laquelle, comme acompte, je réclame vos prières pour ma
chère cousine, que ma mère aimait bien et dont je vous envoie le souvenir.
D'un autre côté, je crois que le moment est tout à fait favorable pour vous
établir à Lille. Le p. Trousseau s'y est fait aimer, il est au courant des
œuvres; il est en termes délicats avec M. Desclée à Tournay. Cela rend le bien
très difficile et le bon père gagnerait, comme action et comme santé, à
traverser la frontière; tout le monde en serait content: lui je pense, Tournay
et Lille.
En nous le donnant avec deux frères, vous mettrez une pierre d'attente qui
serait immédiatement utilisée et qui vous mettrait le pied dans un centre
d'œuvres très important, où vous trouverez des ressources et du recrutement. Je
recommande cette solution à toute votre sollicitude. Cela n'exige, ni grands
déplacements, ni grands efforts, et il me paraît que c'est le moment. Les grands
payeurs des œuvres, MM. Vrau et Féron, le désirent beaucoup.
Enfin, pour mon orphelinat, qui a la grande bienveillance de l'Evêque [de
Putanges (Orne)], établi sur une propriété de 80 hectares, objet de
nombreuses sympathies et dirigé par un homme aussi dévoué qu'expérimenté, nous
avions réclamé un deuxième prêtre qui quittait volontiers une bonne cure pour
se sacrifier. Il nous aurait procuré des ressources pour bâtir et aurait
complété le premier. Mgr était tout disposé, mais autour de lui de
mesquines idées se sont fait jour et nous sommes à la veille d'être refusés. On
nous dit de prendre une Communauté; nous en viendrons sans doute là, mais, dans
une période de fondation, c'est-à-dire d'incertitude et de sacrifices, il faut
le feu sacré que tout le monde n'a pas. De plus, devant les populations,
l'organisation actuelle excite mieux les sympathies. Ce refus peut porter un
coup mortel à l'œuvre, parce qu'il faudrait bâtir, constituer une Société
Civile pour donner un caractère général à l'œuvre. Nous nous trouvons dans une
impasse: pas de constructions, pas de développement, les sympathies se
refroidissent. Dans le cas où nous serions pris de très court, pourriez-vous
nous prêter momentanément deux frères sous la direction de notre excellent
Directeur? Je ne parle pas de donner l'œuvre aux Frères de St-Vincent
de Paul, parce que cela n'entre pas dans vos vues, je crois; vous ne voulez
vous occuper que des villes, et pourtant je suis convaincu que notre Directeur
s'adjoindrait à vous volontiers, et ce serait une excellente acquisition. Mais,
sans aller si loin, je vous pose aujourd'hui simplement un point
d'interrogation pour les frères: cela pourrait nous tirer d'un grand embarras
en nous permettant d'attendre et de ne pas prendre précipitamment un parti que
nous regretterions plus tard.
Dans tous les cas, occupons-nous des deux premiers objets de ma lettre.
Veuillez, bien cher abbé, agréer l'expression de mon très affectueux
dévouement.
Comte de Caulaincourt
Est-il besoin d'ajouter que je vous
offre tous mes vœux?
23 janvier
[1874]
J'ai informé M. de Caulaincourt, en réponse à sa lettre, que vous étiez à
Tournay et qu'il lui serait ainsi facile de s'entretenir avec vous.
Tous ici vont bien, les prières et les vœux de tous sont avec vous.
Votre dévoué Père et
ami
Le Prevost
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