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Jean-Léon Le Prevost Lettres IntraText CT - Lecture du Texte |
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60 à M. PavieAmitié réelle, mais sans affinité avec Théodore, frère de Victor. MLP. pense qu'il n'a plus ni influence ni action auprès de ses amis. Mort de son ami Guépin; il laisse parler son cœur et sa foi. Comment vont ses amis angevins de Paris. Que V. Pavie soit patient avec la Providence: elle veillera sur son premier enfant.
Tout d'abord, cher ami, et avant même tout remerciement pour votre bonne et fraternelle lettre, je dois faire justice, disculper Théodore que vous accusez à tort et sur lequel je me serai aussi exprimé inexactement. Je n'ai nullement à me plaindre de lui, tant s'en faut. Il m'a montré en toute occasion pleine confiance et amitié, expansion autant qu'elle est possible en lui, recherche autant qu'elle se concilie avec ses travaux et habitudes. Ce que j'ai voulu dire, cher ami, et ce que je répète, c'est que toute influence sur lui de ma part est impossible, par cette raison que l'affinité manque non à nos âmes, mais à nos natures; vous-même cher, bien cher Victor, avec votre vie emportée et tourbillonnante, vous m'eussiez entièrement laissé hors de vous, si je ne sais quel coin faible et tendre en vous ne m'eût raccroché et lié intimement à vous. A part cela encore, ne savez-vous pas, par expérience, ce qu'il faut de puissance corporelle, outre celle du cœur, pour cultiver les affections. C'est à la sueur de son front qu'on gagne son pain aussi dans cet ordre de sentiment; il faut mille soins, mille courses, mille assiduités et moi, mes jambes défaillent plus encore que ma charité. Je demeure loin, la moindre course m'épuise; de découragement, je laisse tout échapper, les liens se relâchent ou manquent à se former, je le sens, je le regrette, mais qu'y faire? L'âme va et le corps reste; alors je ramène l'âme aussi. Je prie un peu et me console, songeant que la prière est un lien aussi, invisible peut-être sur terre, mais puissant en haut et qui nous rattache au sein de Dieu. Voilà mon histoire, cher ami; de jour en jour, ma place devient moins grande. Je m'atténue, je m'efface d'influence et d'action. Je n'en saurais avoir aucune. Théodore, Godard, Maillard et nos chers angevins, tout cela vit, court, se répand, marche au bien, je l'espère, mais sans que j'y fasse rien, ni que j'y puisse rien. L'âme de notre pauvre Edouard à demi vacillante, déjà au-dessus de son corps épuisé, était seule vraiment unie à la mienne, mais ce n'était point d'affection humaine; aussi ne l'ai-je presque point retenu. Je ne demandais des jours encore qu'autant qu'ils compteraient pour le salut. La mesure étant pleine, je bénis Dieu qui l'a reprise et délivrée. J'avais pleuré Edouard ici, parce que je le voyais beaucoup souffrir et que la partie sensible en moi s'en émouvait. Mais ensuite, presque avec calme, je regardais de loin ce merveilleux dégagement de l'esprit qui s'épure et s'envole. Tant qu'il vivait, c'était convention entre nous, nous prions l'un pour l'autre, maintenant la convention dure encore, je prie ici, lui là-haut. Je n'ai vu Bruneau qu'une seule fois. Cette surdité me déconcerte plus que je ne saurais dire. Jérôme que je ne vois point, que je rencontre seulement, est heureux, je pense; lui et quelques amis vivent en communauté chrétienne, presque monastique. Si cela se soutient, cela tournera à bien pour eux. Marziou n'avance point. Godard tourne toujours sur lui-même. Gavard imagine et déraisonne. Léon argumente et dispute. Maillard se cache et fuit toujours. Vous, tout seul, mon cher ami, pouviez pétrir tous ces éléments, les fondre, en faire un ensemble; moi, même séparément, je n'en saurais manier aucun. Ce ne peut être sérieusement, cher Victor, que déjà vous grondiez, parce que vous n'êtes que deux encore chez vous. Attendez donc un peu, la Providence prépare lentement et avec amour l'âme de votre enfant. Ne troublez pas son œuvre par votre impatience. Priez tous deux doucement, avec confiance et volonté résignée. Dieu aime votre famille, j'ose presque l'assurer et veut vous bénir encore dans vos enfants. J'ai une Vie de Tobie, petite brochure, en allemand, avec quelques vignettes. Cette histoire est si touchante, si bien appropriée à toute famille chrétienne que je vous l'envoie, malgré son peu de mérite. Je l'avais achetée à votre intention, réalisez-la en songeant à moi; il y a là d'admirables et doux conseils pour votre position. Votre excellent père est resté ici longtemps, et, pourtant, je ne l'ai presque qu'entrevu. Il était introuvable. Je l'aime toutefois ainsi; il me rappelle vos courses essoufflées, vos visites haletantes. Je songeais qu'il courait ainsi pour vous rejoindre plus vite et je le concevais bien; à sa place, moi, votre frère, je courrais bien aussi. Adieu, cher ami, causez toujours de moi avec votre chère petite femme; aimez-moi à vous deux. Etre marié, c'est aimer à deux, au lieu d'aimer tout seul. Le Prevost
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