Obsèques de Mme Delatre.
Paris, 11
juillet 1845
Mon bien cher frère,
Les derniers devoirs ont été rendus chrétiennement et avec toute convenance à votre pauvre
Mme Delatre. L'isolement de cette malheureuse femme s'est du reste
grandement fait sentir dans cette triste circonstance; peu à peu,
presque tous ceux qui l'avaient connue, ayant quitté ou ce monde ou Paris, il
ne s'est trouvé à la messe de son enterrement que la belle-sœur de M. Pianet,
un bon jeune homme qui la visitait pour la Société de St-Vincent-de-Paul et moi. Après la
messe, j'ai dû forcément me rendre à mon ministère, le bon jeune homme a donc
été chargé d'escorter le convoi. Seul et chapeau bas, il a suivi à pied le char
et a présidé à tous les détails de la cérémonie.
Par ses soins un petit grillage avec une croix marquera
la place où la pauvre dame est établie jusqu'au dernier jour; ses enfants et
vous, cher frère, qui étiez plus qu'un fils pour elle saurez donc où la
retrouver.
Je ne sais où est présentement son fils; si vous
connaissez sa résidence, ce serait une bonne action de l'informer du décès de
sa mère. Elle a laissé un petit mobilier dont la valeur sera absorbée par les
frais, si les ayant-droit tardent trop à se présenter.
Nous n'avons pu d'ailleurs obtenir le remboursement
d'aucune de nos avances pour les frais de l'enterrement etc. qui se sont élevés
à 55f.
Si vous le trouvez bon, cher frère, vous prendrez votre
part, une somme équivalente à celle que vous étiez au moment de m'envoyer,
c'est-à-dire 25f.
Nous répartirons le reste de notre mieux.
J'ai bien regretté de vous avoir vu si brièvement lors de
votre dernier voyage, à peine avons-nous pu échanger quelques paroles
d'affection; suppléons, cher ami, à tout ce qui nous a manqué, de ce côté, en
priant l'un pour l'autre. Durant la neuvaine qui s'ouvrira la veille de la fête
de saint Vincent de Paul, j'aurai particulièrement besoin de vos pieux
souvenirs devant Dieu; je les sollicite avec une vive instance et vous promets,
de mon côté, de ne pas vous mettre en oubli.
A vous tendrement en J. et M.
Le Prevost
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