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Jean-Léon Le Prevost
Lettres

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  • Lettres 101 - 200 (1843 - 1850)
    • 130  à M. Maignen
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130  à M. Maignen

Détails sur l'état de santé de sa mère mourante. Affection paternelle pour son fils de prédilection. Conseils sur les oeuvres à faire pendant son absence. Voir à bien "concerter" les dispositions des uns et des autres.

 

Duclair, 17 novembre 1845

Laissez-moi, très cher ami, vous parlez un peu de ma pauvre mère et puis après je vous gronderai tendrement tant bien que mal, car notre chère malade, dix fois par minute, m'appelle et réclame mes soins. Cette bonne mère, cher ami, n'est pas du tout en état meilleur, tant s'en faut, ses forces s'éteignent, elle use les restes d'une constitution vigoureuse, mais sans que rien n'alimente le foyer de vie, puisqu'elle repousse toute nourriture avec répugnance et dégoût. Hier, elle se sentait si épuisée, si abattue qu'elle ne pouvait rester un moment sans appui, il fallait que tour à tour et souvent tous les deux à la fois ma sœur et moi demeurions près d'elle pour la soutenir; elle appuyait, comme vous le faites, cher enfant, votre tête sur mon épaule, puis elle serrait nos mains d'une façon si triste que j'en avais le cœur navré, j'ai pleuré une partie du jour, voyant bien clairement que tout espoir d'un rétablissement était vain et ne pouvant me résigner à une trop douloureuse séparation. Cette nuit elle a été plus calme et je la trouve ce matin un peu moins découragée. Ses dispositions de coeur demeurent toujours excellentes; de temps en temps, elle appelle Dieu et la Ste Vierge à son secours et offre ses souffrances en expiation d'une vie pourtant bien bonne, bien laborieuse et d'une droiture constante bien rare aujourd'hui. Ne vous lassez pas, cher enfant de prier avec le bon f. Myionnet pour cette pauvre créature que le Seigneur soumet, je le pense, aux dernières épreuves. J'aimais votre bon père, j'aime votre mère, ayez vous aussi un peu de tendre charité pour mon excellente mère.

Vous êtes un peu contristé, cher enfant, de n'avoir pas eu les premières lignes que j'ai faites ici et vous me l'avouez naïvement, ne sachant trop si c'est contre vous que vous êtes fâché ou bien contre moi. Je vous sais gré, pauvre enfant, de votre franchise qui me charme toujours, vous le savez, et qui sauvera notre affection de tout malentendu fâcheux. Parlez en toute occasion, avec le même abandon, laissez votre vieux père mettre la main sur la blessure et soyez sûr qu'il ne manquera jamais de la guérir. Vous vous êtes affligé sans raison, cher enfant, le f. Myionnet a eu ma première lettre mais vous avez eu ma première pensée, mes premiers, mes plus chers souvenirs. Voudriez-vous changer votre part contre la sienne? Reposez-vous sur moi, ami, du soin de vous faire votre lot dans mon affection et si vous m'aimez vraiment comme je le crois, veillez à ce que ma tendresse pour vous, trop facilement partiale et exclusive, reste dans une sage mesure qui n'offense ni Dieu, ni les hommes, ni mes devoirs. J'y travaille pour ma part constamment, mais je sens bien que l'inclination naturelle et la pente du cœur m'emportent encore trop souvent; cher enfant, soyez généreux et loin de m'entraîner dans le sens mauvais, aidez-moi à demeurer ferme dans le bon. Ce n'est qu'à ce prix que ma tendre prédilection pour vous vous restera fidèle et demeurera, pour vous comme pour moi, une douce, intime et précieuse consolation. Quand je suis trop douloureusement affligé, ici qui croyez-vous que j'appelle au fond du cœur pour me consoler et adoucir mes peines?

J'ai reçu ici plusieurs lettres, laquelle pensez-vous, enfant, que j'attendisse avec le plus d'impatience? Quelle est celle aussi dont chaque mot, chaque pensée est tombée goutte à goutte comme une fraîche rosée au fond de mon cœur? Quelle est celle enfin que je n'ai voulu lire qu'une fois pour sacrifier à Dieu la joie trop douce que j'eusse trouvée à la relire? Comment, cher enfant, ne savez-vous pas tout cela? Comment le pauvre père est-il obligé de vous l'apprendre, honteux un peu de sa faiblesse et triste aussi de n'être pas mieux deviné. Reprenez, cher enfant, votre sérénité; votre douce figure n'est pas bien quand elle s'entoure d'un nuage d'ennui et de tristesse; le vieux père vous a dit un peu, un peu seulement de toutes ses tendresses pour vous, mettez cela sur votre mal et soyez guéri.

J'écris deux mots que je mets sous ce pli pour M. Dufresne. Je n'ai pas de recommandations à vous faire ni pour la conférence, ni pour la Sainte-Famille, vous avez tous trop à cœur le maintien de ces chères œuvres pour ne pas réunir tous vos efforts pour les soutenir et les faire marcher. Je vous prie seulement de ne pas vous reposer les uns sur les autres des soins à prendre; vous feriez bien de vous voir, de bien concerter les dispositions que vous croirez les meilleures et de mettre ensuite la main à l'œuvre, chacun pour la part qu'il aura acceptée; j'aurais bien du chagrin si le petit édifice que nous avons bâti si lentement s'ébranlait pour un simple changement si peu notable dans sa construction; il n'en sera rien, vous, cher enfant, et tous avec vous travaillerez de votre mieux et le Seigneur à qui vous offrirez vos soins daignera les seconder et les bénir. Je désirerais que M. Roudé vît le p. Milleriot pour l'avertir de mon absence et lui demander ses prières; il serait bon aussi que M. Taillandier eût la bonté de prévenir M. le Curé que la réunion de la Sainte-Famille aura lieu dimanche et lui offrir en même temps mes souvenirs respectueux; je sollicite aussi pour ma mère les prières de notre bien-aimé Pasteur. Pour la séance, M. Lamache, je l'espère, ne refusera pas de parler; à son défaut, M. de Saint-Chéron, si on lui écrivait sans retard, le ferait volontiers; ce dernier présiderait bien la séance si, contre mon désir, M. Dufresne ou quelque autre ne voulait pas s'en charger; Melle Barbe, a, m'a-t-elle dit, une lettre intéressante d'un missionnaire; on pourrait la lui demander et voir s'il y a lieu de la lire. M. le Curé de St-Merry avait promis de parler, on y pourrait songer pour cette fois ou pour une autre. M. de Lambel140, n'est pas, je crois, à Paris. En résumé, vous avez des éléments pour faire une bonne séance, vous ne manquez ni de zèle ni de volonté, vous mènerez donc tout à bien, j'en ai la confiance; mardi, à l'heure de la séance, je me suis mis devant Dieu en union de coeur avec vous, dimanche je le ferai de toute mon âme également. Embrassez le f. Myionnet de tout cœur pour moi; il m'a écrit une bonne lettre dont je le remercierai moi-même prochainement. Je le prie de demander des bons et de visiter pour moi mes familles des Missions: Louise Brunet, 12, rue Traverse, qui priera bien pour ma mère (1 pain, 1 viande), la Vve Lecœur, 16, rue Traverse (2 pains et 20 sols que je rendrai au frère). Stalberger, 9, St-Placide, 3 pains tous les quinze jours; il faut le voir bientôt.

Il me reste à vous recommander, cher enfant, la distribution des livres, le mercredi soir, aux hommes à la bibliothèque; veillez à ce qu'elle se fasse bien exactement; c'est essentiel; M. Taillandier donnera la note pour les malades à recommander et enverra à temps ses lettres d'invitation.

Recommandez à M. Tulasne le jeune Laurent qui se prépare pour sa Première Communion à Noël.

Adieu, cher enfant, je vous presse fort, bien fort contre mon cœur et suis tendrement votre vieux et affectionné père.

 

Le Prevost

 





140 Le comte Alexandre de Lambel (1814-1903) était l'ami le plus proche d'Armand de Melun et l'assista dans ses nombreuses initiatives charitables. Entré en en 1835 dans la Société de St-Vt-de-Paul, il fonda en 1838 le patronage St-Jean-du-Gros-Caillou et devint membre du conseil de la Sainte-Famille. Ami et dévoué collaborateur de MLP., il en écrira une biographie "destinée aux ouvriers": Vie de M. Le Prevost, Paris-Auteuil. 1900.





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