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Jean-Léon Le Prevost
Lettres

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  • Lettres 101 - 200 (1843 - 1850)
    • 131  à M. Myionnet
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131  à M. Myionnet

Comment la mère de MLP. se prépare à la mort. Il lui est impossible de la quitter pour revenir à Paris. Fête de la Présentation de Marie, à la rue du Regard, cet "asile béni que le Seigneur nous a donné pour abriter et mûrir un dessein formé pour sa gloire".

 

Duclair, 21 novembre 1845

Mon bien cher frère,

Je m'étais proposé de répondre plus tôt à votre bonne et aimable lettre dont la tendre bienveillance m'a beaucoup encouragé et soutenu dans la douloureuse épreuve que je supporte présentement; mon temps est si absorbé par les soins incessants qu'exige notre chère malade que j'ai grand peine quand je commence une lettre interrompue et reprise vingt fois à la mener à fin.

Ma pauvre mère, cher ami, n'éprouve aucune amélioration dans son état, au contraire, elle s'affaiblit de jour en jour, ne prenant absolument aucune nourriture et n'est soutenue que par les restes d'une bonne et vigoureuse constitution. Jusqu'ici, son esprit est parfaitement libre et ses dispositions de cœur excellentes; elle a demandé hier avec tant d'instance que le sacrement d'extrême-onction lui fut donné que le bon curé de la paroisse, pour satisfaire à son pieux désir et vu sa grande faiblesse qui laisse toujours craindre quelque accident, a cru devoir lui conférer cette dernière faveur de l'Eglise.

Vous eussiez été édifié, cher ami, de la piété et de la résignation de notre pauvre malade; dès le matin, elle m'a appelé près d'elle pour me dire en quelle intention elle allait recevoir le sacrement après lequel elle soupirait, elle voulait s'offrir à Dieu pour mourir ou pour vivre, selon sa très sainte volonté. Elle a répondu aux prières autant qu'elle a pu, durant la cérémonie et s'est remise ensuite de tout son cœur aux mains du Seigneur. J'oublie, en présence d'une pensée si consolante, les angoisses de tous les instants que nous causent ses souffrances et son dépérissement. Je viens de demander encore au médecin, s'il ne voyait nul espoir de rétablissement; aucun, dit-il, je vous tromperais en parlant autrement; mais, ai-je ajouté, cet état de langueur ne peut-il se prolonger assez pour que je puisse retourner à Paris au moins pour un peu de temps? Ce serait, répondit-il, risquer de ne plus retrouver votre mère, une faiblesse peut survenir d'un instant à l'autre et nous l'enlever subitement.

Mon devoir ne me paraît pas douteux, dans une situation si critique je ne puis quitter ma pauvre mère qui d'ailleurs me conjure à tout moment de ne pas l'abandonner. Je crains seulement que mon administration que j'ai avertie en hâte du grave motif de mon départ précipité ne trouve mon absence trop longue. Invitez, je vous prie, cher ami, notre petit f. Maignen à voir à la sortie de son bureau M. Carré141 qu'il connaît bien, pour lui donner de mes nouvelles, lui dire l'état de danger permanent de ma pauvre mère et le prier de répondre à une lettre que je lui ai écrite, il y a déjà plusieurs jours.

Demandez encore au cher f. Maignen de passer chez mon portier pour y réclamer toutes mes lettres; il voudrait bien les ouvrir avec vous et vous jugeriez ensemble s'il en est qui aient besoin de m'être envoyées d'urgence, afin que j'y répondisse. Celles-là M. Maignen les remettrait à M. Carré pour me les faire parvenir sous le couvert du Curé de Duclair. Les autres pourraient être remises à la Sainte-famille ou à la Conférence si elles concernent l'une ou l'autre. Je joins ici un mot pour réclamer mes lettres chez mon portier, à qui M. Maignen donnera en même temps de mes nouvelles.

Vous voulez bien, excellent frère, m'assurer que mon absence vous cause quelque regret, je vous en remercie tendrement et vous assure que de mon côté je tourne bien des fois par jour mon cœur et ma pensée vers notre petite maison de la rue du Regard; elle me semble comme un asile béni que le Seigneur nous a donné pour abriter et mûrir un dessein formé pour sa gloire. Puissent nos cœurs correspondre assez à sa grâce pour écarter bientôt tout obstacle à la réalisation définitive de notre projet. Je me tiens de cœur uni à vous et à l'autre petit frère, autant qu'il dépend de moi, le matin, je vais à 7h. à la Sainte Messe, me souvenant avec grande consolation qu'à la même heure vous êtes prosterné devant Dieu à la chapelle de notre bien-aimé patron. Aujourd'hui surtout, fête de la Présentation de la Sainte Vierge, j'ai offert vous, le jeune frère, le brave Girard142 et moi au Seigneur pour être tous dévoués au service du Seigneur avec le même abandon et le même amour que la Vierge Marie; si, comme je le pense bien, cher ami, vous avez fait, vous autres, la même offrande, le Seigneur nous aura regardés avec miséricorde et daignera abréger le temps de nos épreuves. Adieu, très cher ami, ce me sera une douce joie de vous revoir et de prier encore avec vous.

A vous tendrement dans les cœurs de J. et M. (Rappelez-moi tout particulièrement au souvenir du bon Girard).

Le Prevost

 

Renvoyez, je vous prie, le jeune abbé qui vous est venu trouver à M. Henry de Messey 82 rue Grenelle, qui correspond en mon absence avec M. Levassor, ou à M. Levassor lui-même à Chartres.

 

 





141 Ami et collègue de MLP. au Ministère des Cultes. M. Maignen, qui allait souvent chercher MLP. à la sortie de son bureau, avait fait ainsi sa connaissance.

 



142 Jeune membre des œuvres qui, sans faire partie de la Communauté, aidait M. Myionnet à la rue du Regard.





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