156  à M. Maignen

Il en a coûté à MLP. de l'avoir laissé partir pour Chartres, mais c'était nécessaire. Ce séjour forcé doit permettre à M. Maignen d'étudier son projet de vocation.

Duclair, 4 septembre 1846

Très cher ami,

Je vous renvoie une petite lettre que votre famille, je suppose, vous croyant auprès de moi, a eu la pensée de vous adresser ici. Elle est arrivée ce matin sous mon couvert; je m'empresse de vous la faire parvenir. Si vous avez à répondre et que vous désiriez cacher pour quelques jours votre retraite, vous pouvez, ce me semble, envoyer vos lettres à M. Myionnet qui les fera arriver à leur adresse.

Ce n'est pas sans un grand serrement de cœur que je me suis séparé de vous si vite hier, cher ami; je sentais tant le besoin d'être un peu avec vous dans un moment où mon affection vous était si nécessaire; il m'eût été si doux aussi de goûter un peu en société avec vous le repos de nos belles campagnes, de vous faire voir leurs ruines et tout ce que le pays offre d'intéressant. Mais un autre parti semblait plus raisonnable dans notre position, il a fallu s'y arrêter; j'espère que le bon Dieu agréera ce sacrifice. On peut prévoir, cher enfant, que dans quelque sens que nous nous tournions, ce ne sera pas le dernier, mais notre dévouement à la cause du Seigneur s'accroîtra en proportion du zèle et de la charité que nous aurons montrés.

Mettez à profit les quelques jours de calme qui vont vous être donnés pour réfléchir devant Dieu et en union avec Marie à la décision que vous devez prendre et soyez assuré, cher enfant, que quelle qu'elle soit, nous saurons en comprendre les motifs et donner notre sympathie aux sentiments de votre cœur. Je vous écrirai de nouveau dès que j'aurai quelque réponse de Paris; écrivez-moi vite vous-même, je suis dans une vive impatience d'avoir de vos nouvelles.

J'ai compris votre désir quand, me donnant de la voiture un dernier adieu, vous m'avez regardé en joignant vos mains; je prierai pour vous plus qu'à l'ordinaire, priez aussi pour nous, le frère et moi, nous en avons grand besoin.

Je vous embrasse tendrement en N.S. et suis bien, cher ami,

Votre frère et ami

Le Prevost