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Jean-Léon Le Prevost Lettres IntraText CT - Lecture du Texte |
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165 à M. MaignenMLP. lui communique des nouvelles de sa famille. Raisons pour lesquelles il a dû observer une certaine réserve, eu égard aux obligations de son rôle de fondateur.
Je n'ai plus rien à vous dire, puisque vous avez maintenant votre frère Myionnet qui vaut bien mieux que toutes les lettres du monde; sa présence près de vous répondra, cher ami, à vos sollicitudes et sera pour vous un doux repos154. D'un autre côté encore, j'ai des causes de consolation à vous offrir. Madame votre mère m'est venue voir ce matin, et je l'ai trouvée bien plus calme et bien mieux disposée que je ne l'avais pensé. Ainsi que je l'avais pressenti, l'irritation qu'on avait d'abord manifestée dans votre maison était inspirée par le dehors; encore un peu de votre temps et tout reviendra à son point naturel. L'annonce que vous auriez le titre de sous-Directeur de la Maison de patronage avec un traitement modique, mais fixe et indépendant, a produit sur l'esprit de votre bonne mère un effet merveilleux; c'était là, il paraît, l'épine la plus douloureuse; la pensée que son enfant serait à l'égard des autres en état d'infériorité lui était insupportable; puisqu'il ne devra rien à personne et tirera tout de son travail, elle se résignera. Telles étaient ses dispositions en me quittant, cher ami; mais on ne saurait penser que ce sera là le dernier mot; son inspiration propre est en ce sens, mais les autres la poussent d'un côté différent. Toutefois les autres, moins intéressés, céderont bientôt et se lasseront; l'affection seule de votre mère et de votre frère restera ferme et prévaudra. Madame votre mère vous a écrit ces jours derniers une petite lettre, presqu'à l'insu des autres et qu'elle me dit être bienveillante, je pense que vous l'aurez reçue; elle était adressée à Duclair, mais j'avais donné en partant votre adresse au facteur de la poste pour que vos lettres vous fussent renvoyées à Chartres; je pense que celle dont il s'agit vous sera parvenue. Madame Maignen m'a dit que ce matin un employé de votre Ministère l'était venu voir pour lui dire qu'on désirait avoir des pièces que vous deviez remettre pour le travail; elle pense que vous devriez vous mettre en mesure de les fournir bientôt. J'ai vu dans les détails qu'elle m'a donnés à ce sujet (et qui ne sont peut-être en réalité que le prétexte de la visite qu'elle voulait faire à M. Myionnet ou à moi aujourd'hui), j'ai vu qu'elle n'avait pas perdu entièrement l'espoir que, par un retour d'idées, vous ne voulussiez reprendre votre position dans l'administration. Si vous aviez effectivement besoin de remettre ces pièces, ne pourriez-vous envoyer votre clef à votre vieil ami du bureau (je ne sais pas son nom), en le priant, de confiance, de faire d'abord un lot de tous les papiers qui vous sont personnels et de livrer le reste à vos collègues? Vous avez dû recevoir hier samedi une lettre de moi qui vous aura un peu consolé, cher enfant, et vous aura montré que vous étiez trop prompt à douter de notre tendre attachement. Dimanche dernier 13, je vous ai écrit, étant encore à Duclair, une longue lettre qui a dû vous parvenir mardi 15; vous semblez n'avoir pas reçu cette lettre du 13, dimanche, devant arriver le mardi 15; tirez-moi de peine à ce sujet. Datez vos lettres, vous le faites rarement, cher ami, la dernière était dans une enveloppe non cachetée. Arrivé ici le mercredi au soir, j'ai vu jeudi MM. Beaussier et Myionnet pour conférer avec eux, et le lendemain vendredi, sans plus attendre, je vous ai de nouveau écrit une interminable épître. Après ces longues lettres, je fais chaque fois une petite maladie, parce qu'elles excèdent mes forces et me tiennent trop longtemps occupé; je ne vous en écris pas moins parce que, faible presque autant que vous, je ne résiste pas à la pensée que vous êtes inquiet et tourmenté. Ne vous plaignez plus, mon cher enfant, vous n'avez nulle raison de le faire, je vous aime aussi tendrement que vous le pouvez désirer et je l'exprime peut-être plus fort que les circonstances ne le voudraient. Il n'y a pas seulement en moi, dans la situation où nous sommes, l'ami qui vous affectionne, comme vous le savez bien, il y a aussi l'homme qui s'est associé avec M. Myionnet pour vivre en commun et faire le bien de concert avec lui. Or, cet homme, dans le cas présent, devait respecter votre indépendance, s'abstenir de tout conseil, et vous laisser prendre votre parti en toute liberté. Il a joué le moins mal possible son rôle, mais, pour peu que vous y ayez regardé, l'ami, le frère, le père se montrait partout; détestez, si vous voulez, l'homme de la rue du Regard, mais aimez, comme il y a droit, le vieil et fidèle ami. Adieu, cher enfant, vous comprenez combien il m'en coûte de rester seul dans cette maison et de ne pas vous aller embrasser avec le f. Myionnet, je serai avec vous deux constamment; vous, pour qui sera la consolation, faites-moi une petite part dans votre tendre souvenir, priez pour moi surtout; en priant, on se souvient, et, pour qu'ils soient plus durables, on confie à Dieu ses souvenirs. Dites aussi quelques douces choses pour moi à N.D. de Chartres; j'ai bien souvent souhaité d'aller l'invoquer dans ce lieu béni; j'irai peut-être avant d'aller dans le temple plus magnifique encore où ceux qui l'aiment ici-bas doivent un jour l'aimer encore et toujours. Votre vieil ami et frère en N.S. Le Prevost
P.S. J'avais été voir dernièrement M. l'abbé Ozanam155, maintenant Directeur du Moyen Collège à Stanislas, pour lui recommander votre frère; il vient de m'écrire qu'il espère le faire entrer dans l'établissement (je ne sais à quel titre) et me prie de le lui envoyer demain. Je ne puis paraître ostensiblement ici, je vais voir si M. Richardière peut prendre la chose sur lui. Adieu ami. Que ce magnifique titre de sous-Directeur ne vous trouble pas l'esprit. C'est un arrangement amiable que M. Myionnet répond de régler avec M. Bourlez et qui ne diminue en rien le mérite de votre dévouement ainsi que vous le fera comprendre M. Myionnet. |
154 M. Myionnet partira rejoindre M. Maignen à Chartres, soit le lundi 21, soit le lendemain, mardi 22. De là, les deux frères prendront la route pour la Grande Trappe, en Normandie, où ils resteront pour huit jours de retraite. 155 Charles-Alphonse Ozanam (1804-1888), frère aîné de Frédéric, docteur en médecine et ordonné prêtre en 1831, comme son autre frère Charles. Depuis la rentrée scolaire de 1846, il était préfet du moyen collège à Stanislas. Il sera ensuite vicaire à St-Merry et à St-Germain-des-Prés.
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