219  à M. Planchat

Fermes recommandations pour que le père Planchat prenne bien soin de sa santé. Importance des obligations de la vie religieuse. Elles sont toujours à vivifier par l'esprit de foi et de charité. Exhortation à la confiance en l'amour de Dieu et en sa divine miséricorde. Scène de la vie de famille à Grenelle.

Paris, 4 septembre 1851

Très cher fils en N.S.,

Vous trouverez à l'établissement de S^te-Marie une première lettre que je vous y avais adressée, vous y croyant encore logé; elle vous dira ce que je vous répète ici sans hésitation, que je vous invite instamment avec le bon M. Caduc à prolonger vos excursions, après avoir complété votre saison de bains. Il faut ne rien négliger pour fortifier votre santé avant la mauvaise saison; votre repos et aussi le bien que vous êtes appelé à faire en dépendent. je pense que le séjour à Bayeux vous serait agréable, cette ville est belle, fort bien située, et, ce qui est mieux, l'esprit de foi y règne encore; on y sent la vie des anciens temps. On m'a dit que le séminaire, le collège et tous les grands établissements étaient très beaux.

Notre cher M. Gentil est à Compiègne et y prolongera son séjour jusqu'à la fin de la semaine prochaine; il devait revenir pour samedi 6, afin de célébrer avec nous la fête de la Nativité; mais, comme j'ai vu la possibilité de lui laisser quelques jours encore de repos, je l'ai invité à ne revenir que pour le 13 septembre. Le 14, nous nous enfermerons tous à Grenelle pour faire une petite retraite de 4 jours, sous la conduite du r.p. Lefebvre qui a consenti à prendre près de nous sa demeure pendant ce temps de bénédictions. Vous vous unirez à nous de cœur, très cher ami, et vous demanderez au divin Seigneur, par sa très aimée Mère, qu'Il remplisse nos âmes de l'esprit de notre vocation. C'est sur les obligations de la vie religieuse, en effet, que la retraite nous sera donnée; nous sommes de plus en plus pénétrés de cette conviction qu'on ne supporte point les difficultés et les travaux de la vie que nous avons embrassée sans des appuis forts et toujours persistants que la vie religieuse peut seule donner; mais la vie commune, la règle et tous les exercices ne sont eux-mêmes que les formes qui doivent être vivifiées par l'esprit de foi, de charité, d'abnégation, d'abandon et de sainte confiance en Dieu; c'est cet esprit de vie que puiseront, je l'espère, nos âmes retrempées par la retraite, le recueillement et les pieuses exhortations de notre bon p. Lefebvre.

Adieu, très cher ami et fils en N.S., ayez confiance, Dieu vous aime, vous êtes son enfant, Il veille sur vous, Il pèse l'épreuve qu'Il vous fait subir et ne la rendra pas lourde au-dessus de vos forces. Quand vous vous défiez de vous-même, espérez en la divine Miséricorde, abîme si profond que nos misères y sont englouties. "Vous qui avez créée, faites-moi miséricorde!" Cette petite prière a sanctifié sainte Thaïs; elle fera de vous aussi un grand saint, si vous avez confiance et simplicité.

M. Maignen vous a écrit une petite lettre, vous la trouverez à S^te-Marie. Le f. Paillé a, depuis quelques jours un refroidissement dans les reins qui le courbe en deux et le fait marcher avec un bâton; comme il souffre peu et que son mal n'offre aucun danger, nous ne pouvons nous empêcher de rire un peu de sa tournure, et nous le faisons rire avec nous.

Toute la petite famille va bien du reste; tout le monde vous aime et prie pour vous: Père, frères, pauvres et petits enfants; priez aussi beaucoup pour tous.

Tout à vous dans les Cœurs de J. et M.

Le Prevost

P.S. Ci-joint un mandat de 100f.