Menacé de voir augmentés les droits de vente, MLP. fournit à l'Administration les
renseignements sur la valeur réelle et sur
l'état de la propriété acquise à Vaugirard.
[Mars 1854]
Monsieur le Contrôleur,
Quelques accidents survenus dans un corps de bâtiment
nouvellement construit à notre maison d'orphelins de la rue des Vignes 44 à
Vaugirard, m'empêchent de me rendre personnellement à Sceaux pour reconnaître,
d'après votre avertissement du 7 courant, une insuffisance de 20 439,20f qui aurait
été préjugée dans le prix de la vente qui nous a été faite de cette maison par
M. Bellebille, suivant acte du 15 juillet 1853; mais je puis vous fournir à ce
sujet, Monsieur le Contrôleur, des renseignements assez précis pour qu'il ne
reste plus aucun doute sur la valeur réelle de cet immeuble et sur le prix
auquel il a été acquis.
Tant qu'il a été occupé par l'exploitation industrielle assez
importante de M. Bellebille, il avait pu figurer au cadastre pour une valeur
relative de 60 ou 70 000f,
mais dès qu'il a été abandonné par ce propriétaire comme peu propre à sa
destination à raison de l'éloignement des matières premières, il est resté non
pas seulement ce qu'il était primitivement, c'est-à-dire une ancienne carrière
remblayée, impropre à toute culture, mais un sol excavé dans toute son étendue
par 5 bassins de 3 ou 4 m
de profondeur, et qui lui donnaient un aspect de dévastation aussi sauvage que
repoussant. En cet état, l'immeuble demeure en vente véritablement abandonné,
sans qu'une proposition acceptable fut faite au propriétaire; et quand, plus
tard, profitant de l'élévation extrême des propriétés, il répandit des annonces
multiples pour une mis à prix de 65 000f, pas un seul acquéreur ne se présenta pour
courir les chances de l'adjudication.
C'est dans ces circonstances que nous avons traité
amiablement avec M. Bellebille; elles vous feront comprendre, Monsieur le
Contrôleur, comment la valeur de 50 000f attribué à l'immeuble a pu être, pour lui
comme pour nous, déjà bien considérable.
Nous n'avons pas, en effet, trouvé une place libre pour
asseoir une construction sans d'immenses travaux de remblai, pas un pouce de
terre végétale à moins de la faire rapporter; il ne fallait rien moins qu'un
établissement aussi pauvre que le nôtre où tout le monde travaille et met la
main à l'œuvre, pour prendre les charges d'une telle acquisition.
Tels sont les faits, Monsieur le Contrôleur; je vous prie
instamment de les faire vérifier par une enquête: 3 des bassins creusés dans le
sol subsistent encore presqu'entièrement, leur aspect seul suffira pour édifier
vos représentants sur la valeur intrinsèque de la propriété.
Permettez-moi d'ajouter, Monsieur le Contrôleur, que
notre maison d'orphelins établie dans cet emplacement a été créée et entretenue
par nous depuis près de 4 ans avec nos ressources privées et quelques aides de
nos amis sans aucun secours ni subvention du gouvernement, qu'elle élève à vrai
dire gratuitement, 100 enfants pauvres et leur prépare une carrière honnête et
laborieuse. Il semble bien que les sacrifices énormes que nous avons dû nous
imposer nous donneraient quelque droit aux encouragements de l'Administration
et nous osions bien l'espérer. Nous n'avons donc pas vu sans peine, Monsieur le
Contrôleur, que nous assimilant à un établissement industriel ou commercial, on
voulut prêter à notre local une valeur excessive et en surcharger les droits de
vente.
Loin de pouvoir accepter cette augmentation si
inattendue, nous espérons de la bienveillance de l'Administration qu'elle
tiendra compte de nos efforts et des services que peut rendre notre
établissement dans la fixation des impôts ordinaires qui doivent peser sur
nous.
Dans cette attente, j'ai l'honneur d'être, Monsieur le
Contrôleur,
Votre très humble serviteur.
|