La
Communauté a besoin de visages épanouis et
ouverts. Les travaux de la chapelle de Nazareth. Maladie de l'abbé Viollat. Arrivée de l'abbé Roussel.
Vaugirard, 18
novembre 1854
Bien cher ami et fils en N.S.,
L'ennui de votre jeune Crestel ne s'étant pas dissipé,
j'ai pensé qu'il valait mieux le laisser partir sans plus tarder, comme il le
désirait; on est si accoutumé en Communauté à voir des visages ouverts, des
cœurs expansifs, qu'un air triste et contraint met tout le monde en souffrance.
Nous plaignons ce pauvre enfant qui, ayant mal sondé son cœur et mal étudié
aussi les vrais motifs qui l'attiraient à la vie commune, n'a trouvé que déception
et affliction d'esprit. Je n'ai d'ailleurs rien de particulier à vous marquer;
je n'ai pas voulu seulement que cette occasion fût perdue pour nos
communications et, à défaut d'autre matière, je vous renouvelle au moins
l'assurance du tendre attachement de tous vos frères.
Nos travaux de la maison de Nazareth se poussent
activement, la chapelle qu'on achève, vous le savez, sera finie pour Noël; ce
sera presque une église, car elle contiendra
aisément
500 personnes; ce sera une grande ressource pour les réunions de piété et
retraites des patronages. Située au milieu du quartier si pauvre du
Montparnasse, elle servira aussi parfaitement de centre à une
Sainte-Famille; priez bien avec nous le Seigneur pour que ce nouveau moyen
qu'il met entre nos mains ne soit pas mal utilisé et que nous répondions bien
aux desseins de la divine Miséricorde.
Je recommande à vos prières le dernier admis de nos ff.
ecclésiastiques, notre bon abbé Viollat203; un rhume, qu'il avait déjà
négligé au Séminaire, est revenu depuis l'hiver et le met dans l'impuissance de
parler et même de confesser; il garde presque constamment la chambre et sa
poitrine, auscultée par le médecin, ne l'a pas laissé sans inquiétude. Nous ne
désespérons pas toutefois, mais il faut beaucoup prier. Nous nous plaisons à
penser que cette inaction et incapacité temporaire de notre ami est
providentiellement arrangée pour ménager l'entrée d'un autre frère
ecclésiastique, l'abbé Roussel204, qui va être ordonné à Noël et qui
nous est disputé de divers côtés assez vivement. Le malaise où la maladie de M.
Viollat met nos œuvres plaidera en notre faveur et nous aidera, nous
l'espérons, à obtenir de Mgr l'Archevêque un nouveau témoignage de
bienveillance et de protection.
Adieu, bien cher ami,, nous ne nous soutenons que par la
prière; toutes nos œuvres sont tellement au-dessus de nos forces ou plutôt de
notre faiblesse que l'intervention constante du secours divin est évidente pour
nous; c'est ce qui nous rend forts et confiants, car, moins il y a de l'homme
dans les œuvres, et plus Dieu s'y manifeste et y montre sa puissance et sa
bonté.
Votre ami et Père en N.S.
Le Prevost
J'attends votre réponse pour le St-Joseph et
le St -Vincent de Paul.
|