Veiller à la pauvreté. Pratiques à suivre pour les
pénitences. Qualité fraternelle des rapports en communauté: union intime, ouverture et confiance
entre les frères et envers les Supérieurs.
[20 février
1855]
Très cher ami et fils en N.S.,
Vous me demandez bien des choses, une lettre pour vous,
une pour le f. Thuillier, une pour votre bonne mère; c'est beaucoup de besogne
ensemble, vous savez qu'avec les dérangements multipliés j'en fais peu chaque
jour et je ne puis guère veiller, le sommeil m'arrivant toujours trop tôt.
Contentez-vous donc de quelques lignes seulement, en suppléant par les bonnes
inspirations de votre cœur à tout ce que le mien aimerait à verser abondamment
dans le vôtre.
Nous n'avons rien de nouveau ici, sinon les
rigueurs d'un hiver persistant, neiges, froid, chemins difficiles, etc., mais
néanmoins pas d'autres malades que notre Ernest, maintenant guéri, et Edmond
211 qui s'est, depuis votre départ, toujours affaibli; on l'a
administré hier et ce matin il a reçu le Saint Viatique; mais je ne pense pas
néanmoins qu'il soit à l'extrémité, nous l'avons vu souvent dans des états
pareils.
Nos frères prennent à tout ce qui regarde ceux d'Amiens
un tendre et cordial intérêt qui me charme et me donne la confiance que la
séparation n'altérera en rien notre union; contribuez à la conserver en nous
écrivant souvent, et surtout en priant souvent et ardemment pour nous. Que de
forces, que de ressources pour nous, pour nos œuvres dans la prière; oh!
prions, cher ami, prions.
J'approuve pleinement la petite chaîne, le carême
surtout, deux ou trois fois la semaine, mais pour une heure ou deux seulement
et à des moments où vous n'avez pas de grands mouvements et des travaux
manuels; où sera la pénitence, élément indispensable du salut, sinon dans les
communautés? Si celle-là vous incommodait, il faudrait en chercher une autre de
concert avec le f. Caille; mettez tout en commun avec lui, ayez avec lui l'ouverture,
la confiance la plus entière; vos cœurs peuvent s'entendre, j'en suis sûr, et
il est si bon de se reposer l'un sur l'autre! On ne fonde les vraies
Communautés que par cette intime union; fondez la vôtre ainsi, et vous aurez la
paix et la force pour faire le bien.
Où en est l'affaire du Directeur, cela m'intéresse
beaucoup.
Soyez bien bon et bien humble avec tout le monde, ménagez
vos forces, ne négligez pas vos exercices, rentrez en votre cœur aussi souvent
que vous pourrez.
Adieu, cher ami, je vous embrasse tendrement dans les
Cœurs Sacrés de J. et de M.
Votre ami et Père en N.S.
Le Prevost
Je joins ici un billet de 100f pour La Flèche; si je le puis, je
vais faire quelques lignes pour votre bonne mère; mais il est bien tard déjà et
je voudrais aussi écrire deux mots à mon fils Thuillier.
Je vous recommande expressément d'être bien économe et de
ne pousser le f. Caille à aucune dépense qui ne soit absolument nécessaire; il
faut vous en rapporter à mon avis sur ce point; Dieu veut que nous marchions
petitement; je crois pouvoir vous dire qu'autrement vous iriez contre sa
volonté.
Le temps me manque aujourd'hui; je vous enverrai le petit
mot pour votre mère avec ma prochaine lettre.
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