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Jean-Léon Le Prevost
Lettres

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  • Lettres 301 - 400 (1855 - 1856)
    • 345  à M. Maignen
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345  à M. Maignen

M. Maignen organise Nazareth. Difficultés auxquelles il se heurte. Solutions proposées par MLP. L'usage des moyens surnaturels dans les œuvres. La régularité est indispensable pour sauvegarder les trois grands points que sont l'esprit de piété, l'esprit de famille et l'esprit de zèle.

 

Vernet-les-Bains, 22 janvier 1856

Très cher ami et fils en N.S.,

J'ajoute quelques lignes à celles que je vous ai écrites hier, afin de répondre à tous les points de votre lettre du 15 de ce mois; j'ai mal dormi ces jours-ci, je n'ai pas du tout d'esprit, vous vous en apercevrez bien; j'étais déjà un peu ainsi hier, et avant-hier en pire disposition encore, puisqu'ayant voulu vous écrire, je fus obligé d'y renoncer. Prenez-moi ainsi aujourd'hui, je tâcherai d'être mieux une autre fois. Je vous adresse cette lettre rue du Regard, sachant que la poste fonctionne plus vite pour Paris que pour Vaugirard; dites-moi si c'est rue du Regard ou rue Stanislas qu'il vaut mieux, à l'occasion, vous adresser les lettres.

Vous ne m'avez plus reparlé des comptes de Nazareth; où en est-on et comment les règle-t-on? M. Leblanc a-t-il composé sa Commission de vérification?

J'approuve bien votre pensée de faire de Nazareth une maison commune pour les Saintes-Familles; je crains toutefois que celles du quartier puissent seules y loger des pauvres; celles qui sont éloignées ne pourraient guère le faire avec avantage, car leurs pauvres gens, éloignés de leur quartier, perdraient toutes leurs ressources ordinaires et ne sauraient plus comment subsister. Voyez pourtant comment la chose serait prise; on pourrait, en tout cas, se réduire aux Saintes-Familles de la rive gauche et ce serait suffisant; en mettant chaque étage à 1.000f, ce serait leur faire un grand marché, car ce serait n'estimer les chambres qu'à 100f, ce qui est bien peu, mais on s'accomoderait ainsi. Je pense qu'à raison de notre pauvreté, nous allons laisser ces chambres absolument nues; il en résultera qu'en y entrant, les pauvres gens n'y trouvant ni tablettes, ni armoires, y feront toutes sortes de dispositions mauvaises ou choquantes pour les yeux; ne pourrait-on adopter quelque petite disposition d'appropriation pour chaque chambre et imposer à chaque Conférence la charge de cette petite dépense; ce serait peu pour chacune, et ce serait beaucoup, en masse, pour l'œuvre? Il faudra veiller aussi à ce que les pauvres gens reprennent tous leurs lits en fer et à ce que les nouveaux en aient aussi; quand le moment va venir d'occuper la maison, il faudrait qu'une Commission administrative fût nommée pour régler ces questions et les autres; parlez-en à MM. Guillemin, Boutron, Leblanc.

Je ne vois pas bien comment on pourrait demander le r.p. Lavigne pour le sermon de Nazareth, à moins que M. le Curé de St-Roch, où il prêche, dites-vous, ne consentît à vous donner son église. Ce serait un prétexte; autrement, nous risquerions de blesser le r.p. Lefebvre qui a été d'une bonté constante pour nous et auquel nous devons beaucoup de reconnaissance. Si vous voyez quelque moyen de tourner la difficulté, dites-le moi, je ferai ce que vous me demanderez.

Je ne verrais pas, pour ma part, d'inconvénient à la direction pieuse qu'on imprime à votre patronage et à vos jeunes ouvriers, si c'est une marche régulière, constante et qui ne soit pas seulement de circonstance, mais il me semblerait essentiel que la piété fût soutenue par une instruction solide et qu'on cherchât les moyens de la rendre attrayante pour les apprentis et jeunes ouvriers; ce point n'est pas sans difficultés. Je crois, en tout cas, qu'il faut nous souvenir toujours que nous ne sommes en ces œuvres que les représentants de la Société de St-Vincent-de-Paul; il me paraîtrait donc bien désirable que vous puissiez, quand vous aurez un moment, voir M. Baudon et, sans lui présenter la question de telle sorte qu'il pût s'en effrayer, lui rendre compte de l'état des choses et le consulter; il est assez pieux pour ne rien contrarier de ce qui est réellement bon, et il est trop judicieux pour ne pas vous tracer sûrement la ligne dans laquelle vous devez marcher. Il me semblerait aussi bien à désirer que M. Berthuot ne vous abandonnât pas, faites ce que vous pourrez pour le rattacher; sa retraite vient peut-être de ce qu'il ne se voit pas de place suffisante, tâchez de lui en faire une; c'est un bien bon jeune homme qui se faisait là autant de bien à lui-même qu'aux enfants;nous devons, dans nos œuvres, tendre toujours à édifier nos Confrères aussi bien que les pauvres et les ouvriers.

Je pense avec vous et avec notre cher abbé Hello que le moment approche où il faudra s'installer à Nazareth, mais il n'y a pas urgence absolue, tant que la maison n'est pas habitée. C'est d'ailleurs une affaire si grave qu'il me paraîtrait essentiel de la recommander avant tout au bon Dieu. Je serais d'avis que nous fissions une neuvaine à la Sainte-Famille, à partir de lundi prochain, pour demander au Seigneur lumière sur le temps et les moyens de cette occupation. Il faudra aussi, quand on en aura le loisir, préparer avec M. Myionnet un petit projet de règlement particulier pour cette maison, et examiner aussi en Conseil qui pourra y être envoyé, quels moyens on aura d'y avoir un peu de recueillement et de vie commune, comment on pourra quelquefois revenir à Vaugirard et demeurer uni à la Maison-Mère. Nous avons trois grands points à sauvegarder: l'esprit de piété ou de vie intérieure, l'esprit de famille ou de communauté, l'esprit de zèle et de dévouement; il faut les concilier et les maintenir par la régularité; tout cela ensemble présentera à Nazareth bien des difficultés; c'est pourquoi il faut commencer par prier, ensuite examiner les choses devant Dieu, et enfin concerter ensemble ce qui semblera de mieux à faire. Si l'on pouvait ne fixer l'époque de l'installation que dans les commencements, ou première quinzaine d'avril, ce moment serait, sans doute, bien rapproché de notre retour, et ce serait un avantage pour la Communauté qui se trouvera bien amoindrie; quand même, ce qui est probable, je ne serais pas encore utile à grand chose, ce serait toujours un de plus, le f. Paillé d'ailleurs serait là comme élément de la vieille Communauté. Je ne vois pas bien ce que notre bon abbé Hello pourrait faire pendant le carême, sinon dire ou faire dire la messe tous les jours pendant la dernière quinzaine et peut-être la prière du soir avec quelques mots d'exhortation; mais je crois qu'il ne devrait prendre pour lui qu'une petite part de tout cela; Pâques le fatiguera, le carême aussi; s'il ne se ménage pas, il ne sera pas dans la prudence chrétienne et dans les vues de Dieu. Votre vraie prise de possession me paraîtrait être le mois de Marie fait simplement, mais pieusement, de manière à toucher et gagner beaucoup d'âmes; j'espère que Dieu vous ménage cette consolation.

Adieu, bien cher enfant, voilà que je n'ai plus de place pour faire un peu de causerie intime avec vous; mais, dès que vous serez débarrassé du plus gros de vos affaires, je vous promets quelques petites lettres plus tendres et moins sérieuses.

Votre ami et Père en N.S.

Le Prevost

 

J'écrirai bientôt à notre cher abbé Hello, mais je vous prie de lui communiquer ce que je vous écris sur l'installation à Nazareth, principal sujet de sa dernière lettre; embrassez-le pour moi.

 




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