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Jean-Léon Le Prevost
Lettres

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  • Lettres 301 - 400 (1855 - 1856)
    • 379  à M. Halluin
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379  à M. Halluin

Devant les hésitations de l'abbé Halluin pour franchir les ultimes étapes de l'union, MLP. lui demande de s'ouvrir sur ce qui lui paraît encore faire obstacle. Travailler de concert ne suffit pas, il faut une confiance réciproque: rien ne doit séparer les cœurs des vrais enfants de Dieu. Sa famille religieuse est fondée sur la charité: "le cœur y fait plus que la tête".

 

Vaugirard, 21 juin 1856

fête de St Louis de Gonzague

Cher Monsieur l'abbé,

Je vous remercie de votre empressement à m'écrire; ce n'est pas une petite chose pour vous, au milieu de vos occupations si multipliées, de trouver quelque liberté pour écrire; cependant, il est bien utile que, dans les premiers temps surtout, nous travaillions à bien établir nos rapports mutuels et, puisque nous sommes à distance les uns des autres, il n'y a pas d'autres ressources que la correspondance. Un premier point bien essentiel à poser et qui simplifiera beaucoup les choses entre nous, c'est que nous ayons des deux parts une confiance vraie, cordiale, sans réserve. Je crois pouvoir vous répondre qu'elle existe ainsi de notre côté; nous avons envisagé devant Dieu notre union avec vous, nous avons regardé si l'esprit qui nous anime était aussi le vôtre et, bien convaincu que nous marchions sur la même voie, nous avons pris la disposition d'avoir pour vous les mêmes sentiments que nous avons pour tous les membres de notre petite famille. Je désire bien qu'il en soit de même pour vous et pour les vôtres, et que vous comptiez sur nous comme sur de véritables frères, dont les affections et les intérêts ne sont pas autres que les vôtres. Je vous conjure donc, cher Monsieur l'abbé, d'examiner s'il est encore en vous quelque incertitude, quelque défaut de lumière à notre sujet et de m'en signaler la cause, afin que, tout éclaircissement et satisfaction vous étant donnés, nous vivions ensuite dans le plein air de la confiance et de l'affection réciproques; il me semble que, de même qu'il ne doit rien y avoir entre le cœur de l'homme et le cœur de son Dieu, il ne doit y avoir rien non plus entre les cœurs des vrais enfants de Dieu. C'est là ce qui fait la joie de la vie de notre petite famille, c'est que vraiment toutes les âmes y sont fondues en une. Peut-être penserez-vous qu'il faut du temps pour établir une intelligence et union si parfaites, mais je crois que, dans la divine charité du Seigneur, cette intime fusion des cœurs se peut faire en un instant. J'ai un peu insisté sur ce point, parce que tel est l'esprit de notre petite famille; elle est fondée dans la charité, le cœur y fait plus que la tête, la confiance plus que la prudence, l'abandon à Dieu plus que les réserves de la sagesse et de la raison naturelles.

Je désire bien comme vous, que le jeune ecclésiastique qui conduit avec vous votre maison m'écrive bientôt; il me semble que nous n'aurons pas de peine à nous entendre si, comme tout me le fait penser, il ne désire comme nous que se dévouer de tout cœur aux œuvres qui doivent procurer la gloire de Dieu. J'ose l'assurer que, si l'inspiration lui en est donnée intérieurement, il doit la regarder comme une grâce insigne, car le Seigneur semble vouloir régir aujourd'hui le monde par la charité, et ceux qui servent d'instruments à ses divines miséricordes auront part, en ce monde et en l'autre, à ses plus précieuses faveurs. Que cet excellent Monsieur tende donc un peu la main vers nous, et la nôtre s'avancera vite pour la serrer cordialement. Sa venue parmi nous serait un moyen de régler les petites dispositions que vous croyez désirables dans l'intérêt de vos chers enfants, je dis bien sincèrement nos chers enfants d'Arras; j'ai à cœur, comme vous, de leur assurer tous les avantages qu'il dépendra de nous de leur procurer; je ne serai satisfait que lorsqu'ils sentiront, eux aussi, qu'ils ont gagné à l'association qui nous unit. Je garde les indications que vous me donnez sur vos besoins, afin de travailler, de concert avec vous, à y pourvoir.

Les offices du St Sacrement ne vous appellent, si je ne me trompe, qu'une ou deux fois la semaine; il ne me paraîtrait pas, en ce cas, bien difficile de trouver à Arras quelque prêtre bienveillant qui consentirait ces jours-là à dire la Sainte Messe à la maison des orphelins. Je crois qu'eu égard au peu d'étendue des cours de cet établissement, il était bien désirable que vous eussiez un jardin, qui servît aux promenades et aux travaux manuels des enfants; je regarde donc comme très utile l'acquisition que vous avez faite. Il me semble que vous m'en aviez parlé lors de mon voyage à Arras. Je croyais seulement que vous pensiez alors à une location, et non à un achat; j'aurai mal compris sans doute; je suis assuré que vous aurez fait pour le mieux et dans les meilleures intentions.

Je vous prie, cher Monsieur l'abbé, d'offrir mes souvenirs bien affectueux à M. de Lauriston, et de lui rappeler sa promesse qu'il m'a faite de m'écrire au plus tard après son arrivée à la Salette.

Je serai bien satisfait aussi si, à leurs moments de loisir, vos bons frères m'écrivaient quelques mots; je leur répondrais, et ainsi s'établiraient les liens de notre intimité. Travailler ensemble, c'est une association; mais travailler d'un même cœur et d'un même esprit, c'est l'union en Dieu, et c'est à ce but si excellent et si saint que nous tendons. Je les embrasse bien affectueusement en N.S. et je n'attends que votre autorisation pour les appeler mes enfants; j'ai déjà pour eux les sentiments qui justifieraient pour moi ce nom. Laissez-moi ajouter, cher Monsieur l'abbé, pour vous-même, que c'est une joie pour notre petite famille de vous compter parmi ses membres et que, de ceux qui la composent, nul ne s'en réjouit plus profondément que moi. Je vous embrasse aussi en J. et M., bien cordialement.

Le Prevost

 

 




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