Avoir connu par expérience les épreuves de la vie
d'orphelin est une préparation providentielle aux œuvres de charité.
Vaugirard, 11 juillet 1856
Mon cher frère Michel,
J'ai tardé un peu à répondre à votre bonne petite lettre
qui m'a pourtant causé une grande satisfaction par les sentiments chrétiens et
les saints désirs qu'elle exprime; j'espère qu'une autre fois, je serais moins
empêché et qu'il me sera possible de vous écrire plus vite. Je vois avec joie
que vous demeurez dans les bonnes dispositions que vous m'aviez montrées lors
de la visite que je vous ai rendue à Arras. Bien convaincu, par de tristes
expériences, des dangers du monde, des difficultés qu'on y trouve pour faire
son salut, vous persévérerez dans la pensée de vous abriter dans la maison du
Seigneur pour vous y sanctifier et servir le divin Maître dans la personne des
pauvres orphelins. Vous avez vous-même, cher enfant, senti quelle perte immense
c'est pour les orphelins d'être privés de leurs appuis naturels, de n'avoir ni
les soins, ni les directions, ni l'amour de la famille, et vous avez compris
combien est admirable et saint le dévouement de ceux qui se sacrifient pour
leur rendre, par la charité, tous ces biens dont le malheur les a privés. Ce
n'est pas sans raison, nous le pouvons croire, que le Seigneur vous a fait
passer par les pénibles épreuves que vous avez traversées, elles auront servi à
vous éclairer et elles auront aussi rendu votre cœur plus généreux, plus
sensible aux misères de vos frères, plus disposé à quelques généreux sacrifices
pour les servir et les sauver. Laissez, cher enfant, ce bon Maître achever son
œuvre, livrez-lui votre âme pour qu'il la forme et la façonne à son gré; il y
mettra une horreur de plus en plus grande pour le mal, et l'aspiration pour
tout ce qui est beau, pur et saint. Il vous préparera, en un mot, pour
l'accomplissement de ses desseins, et vous fera un digne instrument de ses
miséricordes. Gardez toujours un profond respect à votre Père, M. Halluin, ayez
pour lui une docilité d'enfant, une tendre et vive reconnaissance; prenez aussi
un peu d'affection pour nous tous ici qui devenons vos amis et vos frères, et
priez en particulier pour celui qui se dit bien cordialement
Votre ami et Père en N.S.
Le Prevost
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