Joie qu'a fait naître l'union de M. Halluin à l'Institut.
Bonheur et grâces de la vie de communauté. Ecce quam bonum.
Serviteurs des pauvres, les frères doivent en avoir les vertus, et comme
eux, s'abandonner à la
Providence. Avant de commencer une entreprise nouvelle,
examiner si elle est selon la volonté de Dieu. Prières pour les frères absents
et pour les bienfaiteurs.
Vaugirard, 18
octobre 1856
Cher Monsieur l'abbé et fils en N.S.,
Votre bonne et affectueuse lettre était si remplie de
cordiale et vraie charité, si empreinte des souvenirs de la retraite et de la
fraternelle union que nous avons pleinement consommée en la terminant, que j'ai
cru devoir la lire tout entière à notre chère famille, comme un nouveau
témoignage des merveilleux effets de la divine charité quand elle se répand
dans les cœurs. Il va sans dire que tous nos frères en ont été profondément
touchés et que, ce jour-là, l'ecce quam bonum et quam jucundum habitare fratres
in unum a été dit encore avec plus d'ardeur et d'effusion que de coutume. Oui,
cher Monsieur l'abbé, nous bénissons sincèrement le Seigneur qui a fondu nos
âmes en son divin Cœur pour les rendre plus fortes pour son service et plus
dévouées au salut de nos frères; il nous semble qu'un accroissement de vie
s'est fait dans notre petite famille, et qu'en concertant bien nos moyens nous
pourrons travailler un peu utilement au champ du Père céleste. je vois avec
bonheur, cher Monsieur l'abbé, que vous n'espérez rien sinon par la prière, que
tous vos appuis sont en Dieu, toute votre confiance en sa Providence et en son
amour. Allons généreusement dans cette voie; serviteurs des pauvres, nous
devons avoir les vertus des vrais et bons pauvres, qui se reposent en paix sur
les tendres miséricordes du Père céleste et qui attendent, au jour le jour,
leur subsistance de son amour pour leur âme et pour leur corps. Cette pensée
m'a souvent frappé qu'étant les représentants, et d'ordinaire comme les agents
des pauvres, nous devions avoir leur humilité, leur patience, leur détachement,
leur recours en Dieu; à cette condition, nous aurons aussi, comme eux, notre
trésor dans les prédilections du Sauveur et dans les mérites abondants qu'il
leur a réservés.
Je trouve bien votre projet de ronde pour la quête des
meubles et effets inutiles, si surtout vous croyez y trouver avantage réel pour
votre maison et pour vos enfants; pour les autres pauvres, je ne sais si le
Seigneur vous a donné des facilités de temps et de ressources pour vous en
occuper; vous me ferez plaisir de me le dire à l'occasion; d'ordinaire, le
Seigneur ne nous donne pas beaucoup de choses à faire à la fois; toutefois, ses
voies sont diverses et veulent être étudiées; je tâcherai avec vous de les
reconnaître et de les suivre en toute circonstance.
J'aurais bien soin de vous instruire de tous les faits de
quelque intérêt concernant la communauté, afin que vous vous associiez à tous
ses mouvements; je vous dirai en particulier les pratiques ou moyens qui nous
paraîtraient propres à nous édifier; vous me communiquerez en retour vos bonnes
inspirations, pour la
Communauté et pour les œuvres. Nous avons réglé dernièrement
que, après la prière du soir, le Memorare que nous disons en terminant serait
appliqué aux frères absents et aux bienfaiteurs et qu'avant de le réciter, on
dirait expressément: Pour nos frères absents et pour nos bienfaiteurs.
Quant aux affaires, je ne vois rien de nouveau, sinon
celle de Grenelle, dont les lignes ci-jointes, pour le f. Carment, vous
donneront un suffisant détail. Un de nos amis de Chartres, M. l'abbé Levassor,
nous est venu faire des propositions extrêmement favorables pour prendre la direction
d'un ensemble d'œuvres qu'il a fondées en cette ville, dans le genre des
nôtres; nous avons accepté l'offre en principe, en convenant qu'un libre espace
d'un an ou deux nous serait laissé pour l'exécution.
Je suis bien heureux que M. de Lauriston suive chez vous
les exercices de communauté; j'en augure bien pour la confirmation de sa
vocation qui me semble de plus en plus manifeste; assurez-le, cher Monsieur
l'abbé, de nos bons souvenirs; nous prions constamment pour lui, et nous le
recommandons chaque semaine à N. D. des Victoires.
Le f. Augustin [Bassery] répondra à votre bonne petite
épître; il va bien et se recommande au souvenir des ff. d'Arras.
Et moi aussi, cher Monsieur l'abbé, je vous prie de les
assurer de ma tendre et toute paternelle affection; je suis tout confus
d'employer pour vous-même ces termes aussi; votre caractère, et bien d'autres
raisons que je tais, devraient mettre les choses en tout autre sens; mais,
puisqu'il a plu à Dieu, dont les desseins sont si souvent impénétrables pour
nous, de m'investir d'un titre dont je suis si profondément indigne,
je m'incline sous sa volonté sainte et je me dis, cher Monsieur l'abbé, avec
une respectueuse et inaltérable affection,
Votre ami et Père
Le Prevost
P.S. Votre statue de la Ste Vierge
doit être moulée dès qu'elle sera suffisamment sèche; elle ira chez vous comme
pour nous rappeler que le lien qui nous attache les uns aux autres est tout de
tendresse, de condescendance réciproque et d'absolue charité.
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