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Jean-Léon Le Prevost
Lettres

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  • Lettres 401 - 500 (1856 - 1857)
    • 426  à M. Halluin
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426  à M. Halluin

Prendre soin de la santé de ses frères. Un mouvement de personnel s'avère délicat. Inconvénient du climat de Cannes. La patience et la miséricorde ne sauraient impliquer un manque de fermeté sur le principe de l'obéissance. Encourager et soutenir ses frères.

Cannes, 29 novembre 1856

Cher Monsieur l'abbé et fils en N.S.,

Je prends une part bien vive aux soucis et difficultés que vous cause la maladie du f. Loquet, et je compatis bien sincèrement aussi à la souffrance de ce bon frère. Je chercherai de grand cœur avec vous les moyens de l'adoucir. Le premier me semble être de l'exempter de faire la classe, qui m'a paru dès l'abord devoir être une des causes principales de son mal, et de le préserver des intempéries, autant qu'il se pourra. Je ne me refuserais pas au moyen que vous proposez de l'envoyer près de moi, mais il me semble qu'on ne devrait y recourir que si les autres sont définitivement impuissants. Ainsi que vous le dites, la maison est déjà bien avancée pour faire, seul et souffrant, un voyage de plus de 300 lieues. La considération des dépenses est aussi à compter. On ne peut guère faire un voyage, pour l'aller et le retour seulement, à moins de 250 ou 300f par personne, et, d'une autre part, la vie en ces pays est fort chère pour les étrangers. Il n'est pas certain d'ailleurs que le climat où je suis convînt à notre cher f. Joseph; j'ai, pour ma part, bien de la peine à m'y accoutumer, et je suis ici bien plus souffrant que je ne l'étais à Vaugirard. La mer et le voisinage des montagnes donnent à l'air quelque chose de mordant qui m'irrite la poitrine et me cause une constante inflammation. Dans la journée, le soleil est radieux, la température s'élève au delà de 20 degrés, mais le matin et le soir elle baisse à 4 ou 6. Ces variations subites ont de graves inconvénients. Dans une lettre que je reçois aujourd'hui de nos ff. de Nazareth, on me dit que le médecin dont j'ai pris les avis me conseillerait d'aller plus loin, en Italie, pour m'abriter du vent des Alpes. Je suis loin de pencher à prendre ce parti, mais il se pourrait pourtant que je ne pusse définitivement rester à Cannes.

Je crois que ce serait un grand point pour le f. Joseph si vous pouviez lui donner une chambre exposée au midi, et veiller à ce qu'il respirât le moins possible l'air froid et humide. Je ne verrais guère, s'il fallait absolument le remplacer chez vous, d'autre moyen à prendre que de vous concerter avec le f. Caille, pour qu'il échangeât temporairement avec vous le r. Guillot, qui se porte bien et a l'habitude des enfants, contre M. Cousin qui a besoin présentement de ménagement. Cet arrangement ne devrait, ce me semble, être pris qu'en cas d'absolue nécessité; car M. Guillot commence à se bien installer à Amiens et y à rendre des services réels à M. Caille. Ce serait pour ce dernier une difficulté assez grande d'avoir à mettre au fait des affaires et travaux  un autre frère. Les personnes du dehors qui concourent à ses œuvres auront aussi peut-être quelque contrariété de changements si fréquents. Si la situation du f. Joseph empirait, nous pourrions, cher Monsieur l'abbé, aviser à ce que le cas demanderait.

Je crois que l'huile de foie de morue peut lui être salutaire. Les médecins conseillent toutefois de faire, après certains temps, quelques interruptions, l'effet de ce médicament s'annulant presque quand on a trop l'habitude de le prendre.

J'avais bien présumé d'avance que notre f. Carment vous donnerait parfois quelques contrariétés; j'espère toutefois qu'elles ne seront pas assez fréquentes et assez graves pour entraver le bien dans votre maison et vous être une difficulté réelle. Si, ce qu'à Dieu ne plaise, il en était ainsi, soyez bien assuré, cher Monsieur l'abbé, que nous n'hésiterions pas un instant à le rappeler à Vaugirard où, mieux accoutumés aux impétuosités mal réglées de son humeur, nous pouvons en souffrir moins. Nous l'avons choisi pour vous, parmi les autres, parce qu'il a quelque instruction et éducation, qu'il a au fond des qualités de cœur vraiment précieuses, un sincère désir du bien, une volonté constante de se sanctifier et de devenir un vrai religieux, mais la faiblesse de sa tête le fourvoie souvent. Il faut, en prenant son temps, le remettre dans la raison et dans la voie que nous avons à suivre. Il rentre alors en lui-même, jusqu'à nouvelle rechute. Je vous demande bien instamment, cher Monsieur l'abbé, votre charitable indulgence pour lui, mais je vous prie plus instamment encore de ne pas le laisser s'écarter de l'entière déférence et soumission qu'il vous doit, de ne jamais céder sur les principes et de concilier ainsi envers lui le support miséricordieux avec une constante fermeté. Jamais, à Vaugirard, nous n'avons fléchi avec lui. Nous avons pu pardonner quelque chose à son irascibilité qui est, à nos yeux, une véritable infirmité, mais sans préjudice d'une obéissance entière et absolue dont il ne s'est jamais écarté. J'insiste un peu sur ce point, parce que j'entrevois dans votre lettre qu'il aurait fait une sorte de résistance à vos dispositions concernant le renouvellement des vœux. Il pouvait vous fournir des renseignements, vous soumettre des observations, mais cela fait, il devait s'en rapporter à votre jugement et déférer pleinement à votre décision. Soyez bien assuré, cher Monsieur l'abbé, que votre autorité sera toujours soutenue par nous, à l'égard de tous les frères, quels qu'ils soient; le principe d'obéissance doit être posé et soutenu vigoureusement parmi nous, nous ne le laisserons jamais fléchir par notre faute, j'en ai, du moins, le désir et l'espérance. Pour le jeune Thuillier, il s'est toujours montré flexible; il a seulement besoin, comme tous les jeunes gens de cet âge et de cette condition, d'être soutenu et encouragé.

Je recommanderai bien au divin Seigneur le succès de votre retraite, et je demanderai aussi à nos frères de ne pas oublier vos chers enfants dans leurs prières. Nous nous souviendrons aussi de M. Cousin et de notre jeune f. Michel. Je serai bien aise qu'ils m'écrivent quelques mots après le prononcé de leurs vœux. Je trouve bien aussi que nos jeunes amis Jules et Ramu fassent leur consécration préliminaire. Je vous prie de me dire à l'occasion comment elle se fait pour l'engagement et pour le cérémonial.

J'apprends avec joie que notre cher M. de Lauriston a trouvé, dans les offres qui lui ont été faites, une nouvelle occasion de sacrifice. Tout me laisse à penser que Dieu l'a vraiment appelé et choisi, et qu'il saura répondre à cet appel miséricordieux du Seigneur.

Adieu, cher Monsieur l'abbé, je suis de cœur au milieu de votre chère maison qui m'est aussi chère, soyez-en bien assuré, que ses sœurs aînées. J'embrasse vos frères et vous-même bien affectueusement.

Votre ami et Père en N.S.

Le Prevost

 




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