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Jean-Léon Le Prevost
Lettres

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  • Lettres 401 - 500 (1856 - 1857)
    • 434  à M. Paillé
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434  à M. Paillé

Le projet de Conférence de St-Vt de Paul n'avance guère. Langueur spirituelle du pays cannois. Rôle des œuvres. Ce qui peut gâter le travail dans le champ du Seigneur: l'amour-propre, le manque de détachement, d'intérêt pour le bien commun, d'esprit de collaboration. Nous mettre hors de cause dans nos œuvres.

 

Cannes, 14 décembre 1856

Très cher ami et fils en N.S.,

Je pensais qu'une lettre de vous m'arriverait presque en même temps que la petite caisse de vin dont vous m'avez fait l'envoi, c'est pourquoi je ne vous ai pas jusqu'ici accusé réception. Elle m'est arrivée, je crois, mercredi 10, dans l'après-midi, en fort bon état et sans aucun accident, grâce au soin qu'on avait pris d'arranger très attentivement les bouteilles; je vous en remercie ainsi que ceux de nos frères qui ont bien voulu s'occuper de ces détails. L'adresse n'était pas bien exacte; nous ne demeurons point à l'hôtel Pinchina, nous y sommes descendus à notre arrivée, mais nous y sommes restés un jour seulement.

J'espère que tout va bien dans votre chère maison ainsi qu'à Vaugirard et dans le reste de notre petite famille; je reçois peu de nouvelles; M. Myionnet trop occupé, m'écrit à de longs intervalles; je dois m'y résigner, si on ne peut faire mieux.

Notre situation ici est toujours la même; le temps étant devenu plus doux après les pluies, ma poitrine s'est trouvée moins irritée; il paraît que novembre est un des mois où le vent souffle particulièrement ici, mais au point de la saison où nous sommes, on ne peut penser que sa rigueur ne se fasse pas encore sentir quelquefois; janvier et février, dit-on, y sont fort exposés; nous prendrons le temps tel que le Seigneur le donnera; à brebis tondue, Dieu mesure le vent; le proverbe sera vrai jusqu'à la fin des temps, car la miséricorde divine ne cessera qu'avec nos misères. Je ne souffre pas beaucoup, mais j'ai ce que mon f. Beauvais appelle une chétive santé; je vivote, avec des digestions pénibles, un sommeil agité, un corps faible et impressionnable partout.

Le projet de Conférence pour Cannes avance peu ou point du tout; il y a ici malaise dans les esprits; M. le Curé est peu goûté, quoique ce soit un prêtre méritant et fort régulier, il s'entend mal avec ses vicaires; il s'ensuit que rien ne va; M. le Curé n'a personne sous sa main et ne peut rien entreprendre; les quelques hommes chrétiens qui pourraient se réunir trouvent les circonstances peu favorables et aiment mieux attendre; dans une telle disposition des esprits, je ne sais à qui ni à quoi me prendre. On espère qu'au carême un Jésuite, qui doit prêcher, pourra produire quelque mouvement; nous verrons ce qui en adviendra, si nous vivons jusque là; je ne négligerai pas, en attendant, les incidents favorables qui pourraient se présenter; ce pays a certainement besoin de sortir de sa langueur et de son insouciance spirituelle; il reste de la foi dans la masse, mais l'ignorance générale est extrême et les moyens d'action sont presque nuls. C'est ici qu'on peut voir combien les œuvres sont utiles pour réveiller l'attention du peuple et rattacher ses affections aux choses religieuses. Cannes n'a point d'œuvres, aussi tout y languit et manque de vie spirituellement; M. le Curé le sent, mais il a peur de donner par les œuvres trop d'influence à ses vicaires. Pour centraliser en lui le mouvement et l'impulsion, il paralyse tout. Les vicaires ont du zèle et tout ce qu'il faudrait de qualités pour agir utilement, mais ils sont liés et réduits à une entière nullité; le malaise s'étend aux laïcs, qui ne sentant de correspondance possible pour eux nulle part, renoncent à toute initiative et à tout effort pour le bien. Qu'il est triste de voir ainsi la misère humaine se mêler à tout et se glisser même dans le champ du Seigneur. Tâchons, bien cher ami, de nous préserver de cette contagion; travaillons en esprit pur et désintéressé, mettons-nous hors de cause dans nos œuvres, faisons les choses de Dieu et non celles de notre esprit propre et de notre vanité. Quand on suit les choses avec contention et ténacité, on se figure aisément qu'on défend une cause sainte et qu'on garde la position que Dieu lui-même a donnée, c'est presque toujours une grande illusion; beaucoup concéder, beaucoup accorder à l'indulgence et à la charité, c'est l'esprit de J. C. et c'est aussi l'esprit de son Eglise; aimons donc et cherchons uniquement Dieu en tout, aimons-Le assez pour chercher sa gloire dans les autres et dans les œuvres comme en nous-mêmes et dans nos propres travaux.

Je pense que M. Myionnet vous aura communiqué la lettre de notre bon abbé Taillandier concernant les derniers instants de sa sainte et tant regrettée mère. Vous y aurez vu que notre excellente amie a obtenu de son mari qu'il ne réclamât point les 5.000f à nous prêtés pour Nazareth. J'ai demandé à M. Myionnet si, depuis, M. Taillandier père avait de quelque façon manifesté son intention à cet égard, mais je n'ai point reçu de réponse; dites-moi, mon cher ami, ce que vous savez sur ce point.

5h. du soir. Je reçois à l'instant la lettre de notre cher abbé Hello et les quelques lignes que vous y avez jointes. Je vous remercie bien des fois des visites que vous avez faites pour moi à M. Tessier. Bien que ma poitrine soit moins souffrante, je vais essayer des petits paquets que vous m'envoyez; je me défie beaucoup des médicaments, étant, jusqu'ici toutefois, impropre à en user utilement, mais je ferai cette épreuve en esprit d'obéissance. Je mêle un peu du vin que vous m'avez envoyé à celui que j'avais précédemment; j'espère qu'après quelque temps j'en éprouverai quelque amélioration.

Je reçois, par le courrier qui m'apporte votre lettre, une lettre de M. Myionnet et une de M. Halluin. Ce dernier me rend compte de la retraite qui vient d'être donnée à ses enfants et qui s'est très bien passée. Il ne m'entretient en outre que de détails d'intérieur concernant sa maison. J'enverrai du reste sa lettre à M. Myionnet, afin qu'on la lise au Conseil; il faut que nous tendions à des rapports de plus en plus habituels et intimes.

Merci pour l'Univers, cela me fait pour la soirée, où je suis toujours un peu engourdi, une petite distraction.

Adieu, bien cher ami; nous allons nous préparer ici à la fête de Noël en union avec vous; nous prierons pour les ordinands, pour M. Faÿ surtout.

Votre ami et Père

Le Prevost

 

 




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