Confiance dans les frère anciens, ses "fils
aînés". Agrandissement de la maison d'Amiens: agir avec prudence et conseil. Se laisser guider par la Providence.
Cannes,
2 janvier 1857
Bien cher ami et fils en N.S.,
Je vous remercie de tous vos bons souhaits de nouvelle
année et de fête de St Jean; je sais votre cordiale et sincère
affection pour notre petite famille et pour moi en particulier qui vous le
rends bien et qui vous suis dévoué du plus profond de mon cœur. C'est en toute
vérité que je le puis dire, je vous regarde avec mes ff. Myionnet, Maignen et
Paillé, comme mes plus vieux compagnons et, bien que tous les autres me soient
bien tendrement chers, il y a néanmoins pour les fils aînés comme une certaine
assurance de confiance et de vieil attachement qui me porte à m'appuyer sur eux
avec plénitude de repos et d'abandon. Je fais, de mon côté, des vœux bien
ardents pour vous, pour notre petite communauté d'Amiens, pour ses œuvres et
aussi pour tout ce qui vous est cher; je ne cesse jamais de prier à toutes ces
intentions, pas un seul jour je ne l'oublie, au temps surtout où je me sens le
plus près de Dieu; j'espère ainsi suppléer à ce que la faiblesse de ma santé
m'empêche de faire pour témoigner extérieurement à nos chères communautés tout
mon bon vouloir et tout mon dévouement.
Je reste assez frêle et assez impressionnable aux
moindres intempéries pour ne pouvoir guère compter sur un plein rétablissement;
je ne vois pas néanmoins d'indices d'un danger immédiat dans ma situation, à
moins que des accidents, auxquels ma faiblesse m'expose, ne rendent plus graves
les altérations de ma constitution physique. Je n'ai, du reste, point d'autre
désir que celui de faire la volonté de Dieu et d'entrer de cœur et d'effet dans
les vues de sa miséricorde à mon égard.
M. Myionnet m'avait communiqué la lettre détaillée que
vous lui aviez écrite concernant l'acquisition de la maison du faubourg de
Noyon; j'étais donc bien au courant de l'état de cette affaire. Je pense avec
vous qu'elle nous a été ménagée par l'entremise de la T. Ste Vierge et
que nous devons avoir bonne confiance dans les suites d'une entreprise
commencée sous ses auspices. Vous vous occupez, sans doute, maintenant des
réparations à la nouvelle maison et de la vente de l'ancienne, sauf à ne
l'évacuer qu'après l'appropriation du nouveau local. Je vous invite à prendre
les avis de M. l'abbé Cacheleux pour vos travaux et dispositions dans la
maison, vous savez que vous vous êtes bien trouvé de son aide pour l'arrangement
de la maison actuelle.
Je trouve très sage les réserves de M. Cacheleux
relativement aux fonds qu'il abandonne à l'œuvre et je suis bien touché en même
temps de la confiance qu'il a témoignée à notre Communauté. Veuillez lui en
dire toute ma reconnaissance et l'assurer que nous ferons tout pour répondre à
ses vues charitables en travaillant de notre mieux à l'édification des enfants,
des pauvres et des ouvriers.
J'apprends avec une bien vive satisfaction les bonnes
dispositions de l'abbé Deberly, tout nous laisse penser qu'il a véritable
vocation pour les œuvres de charité, et nous pouvons espérer qu'il sentira
bientôt qu'en associant pleinement ses efforts aux nôtres par un entier
sacrifice de lui-même à Dieu et aux pauvres, il doublera ses forces et ses mérites.
Assurez-le que je prierai Dieu à cette intention et que je regarderai comme une
grâce pour nous l'appel intérieur qui le tournera définitivement vers notre
petite famille.
Je vous prie, mon bon ami, de ne pas manquer, quand vous
aurez l'occasion, de présenter à Mgr d'Amiens mes profonds respects
et l'expression de ma plus vive reconnaissance pour la protection qu'il donne
paternellement à nos œuvres et à notre Communauté.
Je pense souvent aux charges pesantes que vous avez
courageusement acceptées et à tout ce qui vous reste à faire encore pour
achever les entreprises charitables commencées autour de vous; mais j'y songe
sans inquiétude, me reposant sur la bonté miséricordieuse du Seigneur qui s'est
montré si tendre pour nous, et sur la protection si manifeste de la Ste Vierge;
demeurons en dépendance de ces appuis divins, allons avec confiance et
circonspection tout ensemble, sans devancer les desseins de Dieu, sans résister
à ses inspirations; nous serons en assurance, puisque nous ne serons
plus alors que les dociles instruments de sa sagesse et de son amour.
Le temps me manque aujourd'hui pour répondre longuement
aux bonnes petites épîtres de vos frères, je leur dis seulement deux mots, me
réservant de leur écrire plus à loisir à quelque prochaine occasion.
Offrez, je vous prie, mes respects et sentiments de
reconnaissance à M. l'abbé Mangot et à M. l'abbé de Brandt.
Croyez vous-même, cher ami, à tout mon tendre dévouement
en N.S.
Le Prevost
Bon souvenir du petit f. Ernest Vasseur.
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