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Jean-Léon Le Prevost
Lettres

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  • Lettres 401 - 500 (1856 - 1857)
    • 445  à M. Maignen
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445  à M. Maignen

Rapport avec les confrères de St-Vt-de-Paul. L'affaire de la location de la chapelle de Nazareth pose la question de la propriété des immeubles. Exhortation à la patience et à une grande réserve. Dévouement et condescendance renforceront la position de l'Institut vis-à-vis de la Société de St-Vt-de-Paul.

 

Cannes, 16 janvier 1857

Très cher enfant en N.S.,

J'ai bien senti dans vos dernières lettres que vous attendiez de moi quelques petites tendresses particulières, quelques mots de conseil et d'affection; je n'eusse pas demandé mieux, j'y suis bien porté de désir et d'inclination, mais un pauvre cœur de malade ne se dilate pas ainsi quand il veut, quelque chose le serre, l'oppresse et ne lui permet pas d'aller à droite ou à gauche; il faut qu'il reste sous son poids sans bouger le plus souvent, sinon pour se tourner avec soumission vers Dieu. C'est ainsi; que je suis presque toujours, me relevant toutefois par cette confiance qu'en priant un peu pour vous en cet état, je vous donne plus que des caresses ou des paroles d'affection, parce que le bon Dieu daigne tourner cela à bien pour ceux que j'aime et que je souhaiterais tant d'assister.

Je n'ai pas perdu de vue votre demande au sujet de votre frère, je n'ai rien trouvé au premier aperçu; j'y pense devant Dieu, c'est une chose si sérieuse; à mon retour, s'il plaît au Seigneur que je revienne, je chercherai avec vous; j'en causerai avec MM. Guillemin et Boutron qui connaissent bien notre excellent quartier St-Sulpice. Il faut pourtant songer que votre frère porte tout ce qu'il a et tout ce qu'il est sur sa tête, ce qui rend la chose plus difficile.

J'ai déjà dit quelques mots dans une précédente lettre touchant la situation de notre petite Communauté relativement aux rapports avec nos confrères. A mon avis, il faut voir les choses d'un peu haut dans la condition où le Seigneur a daigné nous placer; je trouve qu'en général, étant d'une nature tendre et sensible, vous vous impressionnez trop de misères quotidiennes qu'il faut avaler comme la poussière de l'air, sans trop y songer; tout cela passe, les petites blessures, les petites contradictions sont bien peu de chose, si on ne les envenime pas en s'y arrêtant à loisir; il faut secouer cela devant Dieu ou le fondre dans cette ardente charité qui doit animer nos cœurs. Qu'on interprète mal telle ou telle de nos actions, qu'on ne nous rende pas justice en telle ou telle occasion, qu'importe, Dieu nous voit, s'il est content tout est bien.

D'ailleurs, voit-on jamais, à la longue, dans le monde chrétien, ceux qui vont droitement, fermement dans leur chemin, ne pas trouver en définitive justice, par la confiance qu'ils inspirent, par l'estime et l'affection qu'on leur donne. Voit-on qu'un corps religieux surtout, dont l'esprit est une force puissante, ne se fasse jour et n'ait sa place dans le bien, si cet esprit est la charité, le zèle et le dévouement? Marchons donc, cher enfant, en simplicité et confiance, nous serons assez forts, appuyés sur Dieu, pour n'être pas embarrassés des épines du chemin. Il faut aussi avouer que vous me semblez parfois découvrir des intentions autres que les gens ne les ont réellement; je l'ai souvent éprouvé par moi-même; je crois que vous vous méprenez en particulier en trouvant dans l'incident du Conseil de Paris un sujet de peine pour nous. Je n'ai jamais vu en M. Baudon que des sentiments nobles et élevés, il a cru à la sincérité de notre désintéressement, j'espère qu'il ne s'est pas trompé; il est, avec raison, un peu timide dans la disposition des fonds de la Société qui est pauvre et que Dieu tient aux œuvres petites et humbles, mais il est d'une générosité vraiment large et confiante pour ses propres ressources; je vous l'ai dit déjà, c'est une belle chose; mais c'est aussi une marche sage et bien assurée que d'avoir confiance dans la droiture et la noblesse de cœur de ceux qui nous entourent.

Si vous me demandez quelque chose de plus précis sur les points qui vous ont mis en dissentiment, au moins apparent, avec notre ami M. Decaux, je vous dirai qu'incontestablement à mes yeux, le Patronage, l'asile des vieillards, la Ste -Famille, le fourneau, etc. sont des œuvres de la Société de St-Vincent-de-Paul; nous y avons concouru comme confrères sans doute, mais nous y prenons part surtout comme religieux appelés par la Société pour desservir ses œuvres, elle y garde le droit de haute direction, elle peut nous en retirer la gestion. Nous n'avons pas à craindre que cette position soit trop dépendante; il peut arriver, tant les hommes sont faibles, qu'on voie le bien autrement que nous, qu'on nous entrave quelquefois; le plus souvent, céder pour un temps est le mieux, partout où on travaille avec les hommes, il faut attendre les malentendus et les difficultés, mais si l'on quitte ceux-ci, on retrouvera ceux-là; mieux vaut donc le support, la patience qui ramènent, édifient et gardent le précieux trésor de la charité.

Quant à la maison, elle a été mise sous notre nom, à défaut de la Société de St-Vincent qui a refusé d'en accepter la responsabilité; l'initiative courageuse que nous avons prise, les efforts et sacrifices que nous avons faits les premiers constituent pour nous, en principe, un droit légitime de propriété. Il est vrai que la maladie qui m'a mis de côté et l'insuffisance de vos relations ont rendu nécessaire l'appui de nos amis; ils l'ont donné jusqu'ici avec désintéressement, j'espère qu'ils voudront garder ce rôle de bienveillance et de charitable secours; cependant, s'ils se posaient nettement avec des prétentions différentes et demandaient une participation à la propriété, nous aurions à examiner si nous préférons l'accorder ou renoncer à leur appui. Mais qui ne voit combien nous sommes intéressés à ne pas soulever ou laisser soulever de pareilles questions? C'est pourquoi j'ai bien vivement regretté que vous n'ayez pas évité sur ce point quelques contestations où vous pouviez ne pas entrer; en cas difficiles, rejetez-vous sur moi; avec du temps, on peut réfléchir, consulter Dieu et prendre un parti sage et éclairé.

Ce n'est d'ailleurs pas que je visse en général grand avantage à ce que nous ayons la propriété des maisons d'œuvres; je crois que plus tard il sera mieux que nous y soyons appelés seulement comme religieux desservants, mais provisoirement et jusqu'à ce que les œuvres qui nous appellent soient mieux et plus fermement constituées, que nous soyons nous-mêmes mieux posés et plus consistants, il a plu à la divine Providence de nous donner un peu de soutien par ce droit de propriété. Je n'y vois rien de plus et n'en fais pas d'autre cas. Les œuvres, qui se font à Nazareth ne se peuvent faire par nous seuls, y travailler en coopération avec nos confrères qui s'y sanctifient est la vraie et pure charité.

Voilà, cher enfant, bien sommairement, mon avis sur les questions que vous m'avez posées; il se résume à ceci: soyons bien bons, bien dévoués, bien condescendants, donnons l'exemple de tout zèle et de toute charité, notre position alors sera bien bonne, bien forte, nous serons appuyés sur Dieu.

Le Prevost

 

 




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