Explication sur l'insuffisance du personnel et
l'impossibilité de fournir à l'œuvre d'Arras toute l'aide
demandée.
Cannes, 17 janvier 1857
Cher Monsieur l'abbé et fils en N.S.,
Une indisposition qui s'est surajoutée durant ces
derniers temps à mes misères habituelles, m'a empêché de vous écrire ainsi qu'à
notre bon f. Joseph Loquet, à qui j'aurais voulu répondre pour lui dire toutes
mes affectueuses sympathies pour l'épreuve que Dieu lui impose. Il m'est
survenu plusieurs abcès au bras droit, et notamment un assez considérable au
poignet qui a mis une interruption absolue à toutes mes correspondances. C'est
à ce moment que, ne voulant pas mettre de retard aux mesures qui pouvaient être
à prendre à Vaugirard dans l'intérêt de vos classes, j'avertis M. Myionnet et
que je l'autorisai à disposer pour le mieux dans cette circonstance des
ressources bien restreintes de notre personnel. Il vous a dit lui-même, depuis
lors, qu'à l'instant même où il venait d'arrêter, avec M. Lantiez et notre
petit Conseil, le départ pour Arras du f. Polvêche, le f. Bassery, qui devait
prendre quelque petite partie de ses travaux, est tombé assez gravement malade.
Nous nous trouvions ainsi nous-mêmes trop à découvert et force nous a été de
rester en arrêt. On m'écrit que le f. Bassery va mieux, mais il ne peut sortir,
sa poitrine est plus que délicate, et l'on peut présumer que, même après un
rétablissement tel quel, il ne sera pas propre de sitôt à faire avec suite la classe.
Je ne regrette du reste que faiblement la difficulté qui
s'est opposée au départ du f. Polvêche, et je suis tenté d'y voir
l'intervention de la
Providence. Il eût pu vous être utile pour organiser vos
classes, il a de précieuses qualités, il est laborieux, capable, flexible et
maniable de caractère. Mais il a un flegme tout septentrional, il est ouvert,
il aime volontiers la vie retirée, il eût été peu propre à mettre le mouvement,
l'union et l'entrain dans votre petite communauté. Il a d'ailleurs besoin
d'être particulièrement soutenu spirituellement, son fléchissement momentané a
été bien réparé, mais c'est toujours une sorte de blessure qui laisse après
elle une cicatrice. C'est pourquoi, en consentant à son départ, j'avais poussé
en moi-même un grand gémissement, subissant ce qui me semblait une nécessité
pour les besoins de vos enfants, mais voyant en même temps tous les points
défectueux de cette combinaison.
J'apprendrai avec grand intérêt, cher Monsieur l'abbé,
les moyens que votre zèle industrieux vous aura suggérés pour répondre à une
situation évidemment bien difficile. Il n'a fallu rien de moins que nos propres
embarras pour nous empêcher de vous donner secours comme notre affection nous y
portait si sincèrement. M. Myionnet est lui-même tombé malade en même temps que
le f. Bassery. Il va mieux, il vient de m'écrire quelques lignes; mais il reste
faible et mal disposé. Il s'était beaucoup fatigué dans ces derniers temps.
Notre bon abbé Lantiez, qui précédemment avait été souffrant, s'est heureusement
trouvé sur pied pour le suppléer, la maison de Nazareth a donné aussi un peu de
secours, et tout a pu se soutenir. Vous voyez, cher Monsieur l'abbé, qu'à
Vaugirard comme à Arras, les œuvres du service de Dieu sont rudes et
laborieuses; mais, j'ai la confiance qu'elles sont par là même agréables à Dieu
et qu'Il les bénira à proportion du courage, de la générosité qu'on aura mis à
les soutenir.
Je viens de recevoir une lettre de notre cher f. Caille,
tout va bien dans la maison. Mais que de charges aussi sur la tête de ce bon
frère, et combien nous avons besoin, de ce côté comme de tous les autres, du
secours du Dieu de miséricorde!
Ma santé laissant encore beaucoup à désirer, je ne puis,
à mon grand regret, écrire aujourd'hui à nos ff. d'Arras, au f. loquet surtout.
Je le ferai bientôt si Dieu me donne un peu de forces. Je voulais aussi
répondre à notre bon petit f. Thuillier. Embrassez-le, je vous prie, pour moi
et recommandez-lui de ma part de prendre bien à cœur son salut et le bien que
Dieu lui donne à faire. Il a été envoyé à Arras pour consommer l'union entre
tous les membres de la famille d'Arras et de tous ceux du reste de la Communauté. Qu'il
y tende donc par son bon esprit, par son désir constant de se rendre utile et
agréable à vous et à ses frères.
Je vous demande aussi, cher Monsieur l'abbé, de faire
pour moi quelques bonnes affections à notre bon ami M. de Lauriston; une de mes
premières lettres sera pour lui. Je demande son indulgence et ses bonnes
prières, les miennes lui sont assurées pour tous les jours.
Notre petit f. Vasseur se rappelle à votre souvenir et
vous offre son respectueux attachement.
Recevez aussi le mien, cher Monsieur l'abbé; je suis en
J. et M.
Votre ami et Père
Le Prevost
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