Objections de MLP. à l'établissement d'une œuvre nouvelle (une bibliothèque
populaire) dans la maison d'Arras. "Un peu de bien
solidement fait vaut mieux qu'une multitude d'entreprises faibles et sans
portée religieuse et morale".
Vaugirard, 18
février 1859
Mon bon ami et fils en N.S.,
Je vous envoie la réponse que je crois devoir faire à M.
l'abbé Berton, les objections que je lui soumets ont, à mes yeux, bien plus de
force encore que je ne le dis dans ma lettre; tous mes frères du Conseil
pensent avec moi que l'introduction de ce nouvel élément dans votre maison y
sera fort préjudiciable à vos frères, à vos enfants, à l'ordre de la maison, à
l'unité de vos œuvres; je vous invite donc à peser bien mûrement la chose
devant Dieu et à ne pas céder trop aisément à l'attrait que vous avez de
concilier beaucoup de suffrages à votre maison et d'y établir le plus de choses
qu'il se pourra.
Un peu de bien solidement fait vaut mieux qu'une
multitude d'entreprises faibles et sans portée religieuse et morale. Soyez sûr
que tous les inconvénients prévus par ma lettre sont inévitables. Pour ne pas,
du reste, trop abonder dans mon sens et me confier plus qu'il ne faut à mon
jugement, je vous demande particulièrement de voir confidentiellement M. l'abbé
Cacheleux, dont le bon esprit et le sincère intérêt pour vos œuvres m'inspirent
une grande confiance, et de lui dire mes appréhensions, l'état de fatigue
habituel de vos deux frères et de votre fille de service, la dissipation
inévitable que tous les lecteurs allant et venant incessamment donneront à tout
le monde, les empêchements qu'ils apporteront au service et aux soins qu'on
doit aux enfants; je suis sûr qu'il inclinera, comme moi, à regarder ce nouvel
élément de mouvement et de désordre comme infiniment regrettable. S'il en était
autrement, je suis disposé à me rendre à son avis, aimant mieux m'en rapporter
à son sentiment qu'au mien propre.
Adieu, mon bien bon ami, je ne vous écris point plus
longuement pour ne point retarder ma lettre.
Embrassez nos frères, encouragez-les de ma part,
assurez-les de ma tendre affection.
Votre ami et Père en N.S.,
Le Prevost
J'attendrai les renseignements que vous me
promettez pour la fin du mois.
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