Nouvelles de Vaugirard. MLP. juge sa Congrégation
"une création encore bien nouvelle", dont il mesure la jeunesse et la faiblesse.
Vaugirard, 5
mars 1859
Cher Monsieur l'abbé et fils en N.S.,
Notre jeune Marchal avait déjà changé d'avis lorsque
votre bonne et paternelle lettre lui a été remise. Il était venu la veille tout
pleurant, me demander pardon du moment de faiblesse qu'il avait ressenti,
l'attribuant à sa tête qui, disait-il, avait tourné et lui avait ôté le sens.
Il avait parlé dans le même esprit à M. Lantiez, qui avait promis d'arranger
les choses avec moi. Ce n'était pas affaire bien difficile, car nous n'avions,
ni l'un ni l'autre, grand peine à comprendre ce moment de défaillance d'un
pauvre enfant qui est encore bien peu fort et qui a gardé les traces
de son premier genre de vie. Nous allons donc marcher de nouveau, la santé de
ce bon garçon est meilleure, il recommence un peu son travail. Espérons que, le
Seigneur aidant, il pourra s'asseoir définitivement dans le bien.
Nous verrons avec joie le f. Thuillier à la retraite.
Nous recevrons avec plaisir, avant ou après, le f. [Alphonse] Vasseur, bien que
l'époque de son éloignement soit encore assez rapprochée. Je crains seulement
qu'il n'ait un peu d'ennui durant son séjour ici, n'ayant nulle occupation bien
indiquée. Quand les frères viennent à la retraite, les exercices spirituels
remplissent leur journée; mais, en dehors de ce temps, je ne vois pas bien
comment ils pourront s'occuper. Cette objection me semble assez frappante pour
le f. Alphonse en particulier, qui est assez actif, et que des jours sans
emploi auront bientôt lassé. Il semble donc que, s'il ne se propose pas de
faire lui-même une petite retraite séparée, il y aurait lieu, peut-être,
d'examiner s'il ne ferait pas mieux d'attendre la prochaine retraite. Je laisse
cela, cher Monsieur l'abbé, tout à fait à votre décision, et je trouverai bien
ce que vous aurez cru devoir régler.
Marchal et tous vos enfants ont accueilli avec joie
l'espoir que vous leur donnez de vous voir bientôt, et nous, nous ne vous
verrons jamais aussi souvent que nous le désirerions. Je suis heureux
d'apprendre que votre retraite a eu d'heureux fruits; vos chers enfants,
espérons-le, en garderont une impression assez vive pour que leur esprit
s'améliore encore et vous prépare la récompense de vos soins.
Nous allons ici toujours passablement, non sans sentir
toujours comme vous l'insuffisance de nos moyens. Nous sommes, dans l'ensemble
comme dans chaque œuvre particulière, une création encore bien nouvelle, nous
sentons notre jeunesse et la faiblesse qu'elle comporte.
Ayons patience, les années apporteront les grâces de
force et de confirmation. Nous vous embrassons tous ainsi que nos frères. Je
suis tout particulièrement, avec respect et affection,
Votre tout dévoué ami et Père en N.S.
Le Prevost
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