M. Hello à Arras pour la retraite de première communion.
Avis pour combattre les tentations de découragement.
Vaugirard,
26 avril 1859
Bien cher enfant en N.S.,
Notre bon abbé Hello ira, comme l'a demandé notre p.
Halluin, donner la retraite à vos enfants de première communion; les jours de
la semaine sainte nous ont tenus tous occupés, chacun de notre côté, et je n'ai
pu voir nos ff. de Nazareth; je ne sais donc pas encore le jour précis du
départ de notre cher abbé, mais il avertira à temps M. Halluin, vous pouvez
compter sur lui. M. Lantiez et M. Faÿ qui s'occupent particulièrement de
Marcellin, ne voient pas qu'il y ait convenance à envoyer cet enfant aveugle à
Arras; il connaît ici tous les aîtres299 de la maison, il a ses
habitudes, ses occupations, sa vie de chaque jour, mais, changé de maison, il
serait absolument dérouté et, hors les instants si courts où il pourrait faire
un peu de musique à la chapelle ou autrement, il aurait nécessairement de
l'ennui. Je ne vois non plus aucun moyen de pourvoir à des frais de voyage trop
peu motivés; pour ces diverses raisons, cher enfant, nous devons renoncer au
projet de l'adjoindre à M. Hello.
Je ne m'inquiète pas, cher enfant, des quelques pensées
de découragement qui vous viennent quelquefois; personne n'en est exempt, et
ceux qui, comme vous, s'impressionnent aisément, y sont plus sujets que
d'autres; mais j'ai toujours vu chez vous que l'esprit de foi et la raison
prenaient le dessus de ces mouvements naturels, il en sera encore ainsi
aujourd'hui.
Plus vos enfants laissent à désirer sous quelques
rapports, plus il est manifeste qu'ils ont besoin de vos soins; c'est à ceux-là
que la charité se sent attirée tout particulièrement. N.S. disait: "Je
suis venu guérir ceux qui sont malades et non ceux qui sont sains." Les
résultats constants de votre œuvre sont d'ailleurs une précieuse consolation;
vous voyez qu'avec patience et longueur de temps, notre bon abbé Halluin arrive
presque toujours à améliorer notablement la plupart de ses jeunes gens et qu'ils
finissent, après quelques écarts, par s'asseoir dans le bon chemin.
Ne vous découragez pas non plus si vous n'avez pas
absolument et en perfection tout ce que votre position pourrait demander. Qui
donc, parmi nous, peut se vanter d'être à la hauteur de sa position par une
suffisance personnelle? Aucun, assurément. Nous avons tous à gémir sur notre
incapacité; mais il y a là un point excellent, c'est que nous nous humilions
forcément, nous sentons le besoin que nous avons du secours de Dieu, et quand,
malgré notre impuissance, il se fait quelque bien, nous sommes contraints de le
lui rapporter; ainsi l'ordre est gardé, et c'est ce que le Seigneur veut avant
tout. Allez donc toujours, cher enfant, en soumission, en détachement de
vous-même en bon désir de charité, et le bon Maître, suppléant à tout ce qui
vous manque, donnera sa bénédiction à vos travaux.
Je suis heureux d'apprendre que la paix du Seigneur règne
parmi vous, embrassez pour moi nos frères, assurez-les de ma constante
affection et de mes habituelles instances près de Dieu à leur sujet. Je serai
bien aise que le f. Jean-Baptiste [Hamon] m'écrive un peu longuement pour me
dire ses dispositions, ses travaux, son état de cœur; je voudrais aussi que mon
f. Firmin [Thuillier], qui m'avait promis d'écrire ses résolutions de retraite,
m'écrivît qu'il les a réellement faites et qu'il y revient quelquefois devant
Dieu.
Nous allons ici comme de coutume, avec l'aide du
Seigneur; tous nos frères se recommandent à vos prières et vous assurent de
leur affection. Nos retraites de Pâques ont été partout parfaites et pleines de
consolation. Votre petit frère ne va pas mal. Je ne me refuserais pas, à
l'occasion, à lui donner quelque autre emploi que le sien, quoiqu'à mon gré il
pût y faire beaucoup de bien, s'il y apportait l'esprit haut et saint que je
voudrais voir en tous nos frères, mais je ne fais jamais que ce que le Seigneur
indique lui-même par les circonstances. Cet enfant est d'ailleurs si peu formé,
a le caractère encore si souple, la parole encore si peu mesurée, l'expérience
encore si peu avancée qu'il est certainement meilleur pour lui, comme pour la Communauté, qu'il nous
reste sous les yeux. Priez bien pour lui, cher ami, la grâce du Seigneur peut
bien plus, croyez-le, pour l'affermir et l'amender que ne le feraient toutes
les dispositions et changements extérieurs; Dieu est lumière et amour, Lui seul
éclaire, échauffe et transforme les cœurs.
Offrez mon respectueux attachement à notre p. Halluin, et
croyez, cher enfant, à ma tendre affection en J. et M.
Le Prevost
P.S.
M. Hello partira mardi 3 mai.
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