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Jean-Léon Le Prevost
Lettres

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  • Lettres 1 - 100 (1827 - 1843)
    • 18  à M. Pavie
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18  à M. Pavie

Condoléances pour le décès de la grand-mère de V. Pavie. Hymne à la famille, "la société de Dieu". Amitié pour arriver ensemble à Dieu.

 

Paris, 30 mai 1833

Que sans retard je vous sois présent par cette lettre, mon ami, pour m'associer à votre douleur, pour me placer avec vous sous la main du Seigneur quand elle vous frappe et adorer avec vous sa volonté sainte. Quand des frères égarés s'en vont de ce monde, tant de crainte se mêle à nos espérances pour eux qu'involontairement on se courbe avec terreur devant la Justice de Dieu qui passe, mais quand l'œuvre s'accomplit au sein d'une famille chrétienne, le cœur ne se serre pas avec angoisse, il éclate en pleurs, en gémissements que le Ciel recueille comme un fruit précieux de soumission et d'amour. Ainsi votre bon père agenouillé s'effondrait tout en larmes, ainsi vous le soutenant et ainsi moi-même à cette heure où je m'identifie si pleinement à vous que je souffre et pleure comme vous avez souffert et pleuré. Mais, à ce moment surtout, mon ami, je le dis encore, crions: gloire et merci à Dieu! qui nous a faits chrétiens, qui change la douleur en un présent céleste. Dites, la grâce est-elle assez sensible et palpable, quand la douleur de votre père, remontant d'âge en âge, va par échos enchaînés toujours, toujours montant, porter son tribut aux pieds même du Seigneur? Oh! je le crois, nos yeux ne voient sûrement Dieu qu'à travers les larmes et c'est là un mystère qui nous soulève pour arriver jusqu'aux autres.

Non, je n'ai pas vu votre vénérée mère, mais ne le regrettez pas tant; vous ne savez pas jusqu'à quel point ma tendre affection pour vous me donne par intuition sentiment et notion de tout ce qui vous est cher. Quelques mots de votre frère, quelques exclamations de vous m'avaient ici fait voir de la vue de l'âme cette tige vénérable de votre famille. Puis, votre bon père, n'en est-il pas une image, puis vous et votre frère n'en avez-vous pas aussi quelques traits? Bien des fois, je vous le proteste, mon esprit fut au milieu de vous aux heures les plus saintes et vit votre famille comme un frère choisi par vous devait la voir. Désormais, il y a là un grand changement; à votre bon père reviennent toutes les vertus de la mère et Dieu sait s'il en portera noblement le fardeau! Mais à vous aussi, mon bien cher Victor, tout le poids des siennes. Mon cœur le dit avec joie; vous étiez grand déjà, mais il vous faut grandir encore. Oh! continuez sans interruption votre famille, grossissez le trésor de ses vertus, gardez-le avec sollicitude, avec amour. Gardez vos saintes traditions, gardez la profession de vos ancêtres, gardez leur ville natale et surtout leur foyer. La famille, c'est la société de Dieu; quelques familles saintes encore éparses parmi nous je le crois fermement, conservent seules avec l'Église ce type éternel de l'ordre selon Dieu et interposent cette image entre sa colère et le désordre du monde. C'est donc une mission, mon ami, que vous avez, mission de paix et de conciliation, mission sainte comme celle des patriarches aux anciens temps et mon cœur me le dit encore, vous n'y faillirez jamais. Pour cela votre humilité accueillera tout appui, quelque faible qu'il puisse être. Je vous offre donc le mien. Je veux tendre à la perfection pour soutenir la vôtre. Vous aussi, vous m'aiderez et ainsi appuyés l'un sur l'autre, nous arriverons mieux à Dieu.40

Avec ces sentiments vous pensez, mon ami, si je garderai mémoire du 18 juin. Si ce jour-là, je serai fervent au pied des autels. Tout ce que ma faiblesse pourra donner par la prière sera tout entier versé au tribut, et jusque là chaque soir je dirai avec vous la prière des morts, prière pour votre aïeule vénérée41; prière, nous l'espérons, qu'elle pourra recueillir elle-même et offrir pour nous en hommage à Dieu.

Votre ami

Léon Le Prevost

 

Aujourd'hui même j'enverrai, si je ne puis la porter, votre lettre à notre ami. Son union absolue avec nous en Dieu est désormais un vœu bien ardent pour moi. Travaillez-y; moi, je me sens si faible agent près de lui, si supérieur à moi, que le courage m'abandonne, si je n'avais d'ailleurs ma confiance.

Dites à votre père toute ma tendre vénération pour lui; dites-lui toute ma sincère douleur et combien je suis vôtre à tous.

 

 





40 MLP. ne cherche pas à contrarier le mouvement naturel de son cœur qui le porte à aimer son prochain. Mais, la grâce aidant, il voit de plus en plus, en toute amitié, l'occasion de se soutenir mutuellement, dans les joies et dans les peines, pour mieux marcher ensemble vers Dieu. Arriver de concert à Dieu, accomplir de concert sa sainte volonté, telles sont quelques-unes des expressions qui viendront spontanément sous sa plume, lorsqu'il faudra encourager ses frères à sauvegarder l'esprit de communauté et l'esprit de dévouement. (cf. Règlement de 1847).

 



41 Il s'agit bien de la grand-mère de V. Pavie, et non de sa mère, comme pourraient le faire croire certaines phrases de la lettre. Par deux fois, au moins, la biographie de V. Pavie par son frère Théodore confirme l'identité de la défunte: "Lorsqu'elle mourut en 1833, un ami de la famille écrivait à Victor: Mme Pavie, votre grand-mère, était une sainte"!" (p.24). C'est en 1813 que V. Pavie avait perdu sa mère: "...Victor avait cinq ans et moi deux mois quand elle disparut d'au milieu de nous" (p.31).

 





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