730  à M. Risse

Unité d'esprit entre M. Risse et la Congrégation. MLP.lui fait parvenir le Règlement. Difficultés que peut éprouver un ancien curé à se plier à la vie commune.

Vaugirard, 29 décembre 1860

            Cher Monsieur l'abbé et fils en N.S.,

            Les préoccupations et solennités si graves concernant mon ordination, une fête de famille qui s'est faite après, le 27, et les soins multipliés de nos œuvres ne m'ont pas laissé, ces temps derniers, une seule minute pour répondre à votre dernière et affectueuse épître. C'est une grande joie pour moi, comme pour ceux qui m'entourent, de vous voir si bien comprendre par le cœur l'esprit de notre petite famille, et nous sommes pleins d'espoir que votre union avec nous, déjà consommée intérieurement, s'effectuera en réalité sans difficulté aucune, cordiale, dévouée et bénie de Dieu; nous dirons alors ensemble l'ecce quam bonum et quam jucundum.

            Ces quelques lignes ont déjà été interrompues plusieurs fois; comme les embarras du nouvel an commencent déjà, j'aime mieux, pour aujourd'hui, brusquer un peu cette épître, afin qu'elle ne soit pas encore renvoyée à un autre jour. Je voulais vous remercier du bon accueil que vous avez fait à notre f. Lantiez; il est revenu content de tous et de tout; il s'est trouvé chez vous et dans votre œuvre dans son air accoutumé, sans changement appréciable; par le fait, le bon Dieu nous avait faits les uns pour les autres, il ne restait qu'à nous rapprocher, sa douce Providence y a pourvu.

            Nous recevrons à bras ouverts vous et vos bons jeunes gens (5, s'il se peut et plus si Dieu le veut), quand vous nous viendrez en février. A cette époque, notre demeure est encore un peu sauvage, mais, au premier rayon de soleil, on se plaît chez nous, à cause du contraste de notre paix avec le tapage de l'intérieur de Paris. Je recevrai avec plaisir une lettre du jeune ecclésiastique dont vous me parlez, si vous pensez qu'on puisse espérer qu'il n'a été inconstant que faute d'avoir trouvé, dès l'abord, sa place. Ne craignez-vous pas aussi qu'ayant été Curé, ayant joui d'une liberté presque trop grande (car c'est là la position du prêtre à la campagne), il ne trouve lourds et gênants les assujettissements et dépendances qu'entraîne la vie commune? Voyez, cher Monsieur l'abbé, si vous connaissez un peu ce bon ecclésiastique, si vous avez un peu confiance, nous essaierons de grand cœur; les ouvriers évangéliques manquent si fort dans les œuvres qu'un homme de cœur et de zèle est un vrai trésor pour nous.

            Je vous envoie le règlement; quelques petites retouches de détail seraient à faire en suite de la détermination nette qui a été prise de choisir exclusivement le chef de la famille parmi les ff. ecclésiastiques; passez outre si quelques détails vous semblent manquer d'harmonie avec le reste; prenez le fond, c'est l'essentiel; les gloses et indications de détail sont commencées, mais non finies, et ne sont point portées sur l'exemplaire que je vous envoie.

            Adieu, cher Monsieur l'abbé, je finis l'année avec vous; le commencement de l'autre nous trouvera bientôt réunis; puisse cette fusion de nos cœurs et de tous nos moyens être pour la gloire de Dieu et pour l'avancement spirituel de nos âmes. En suite de mon ordination, j'ai béni tous mes frères ou fils en N.S., dites à vos bons jeunes gens que je me sens déjà leur Père et que je les bénis avec les autres, et vous-même, cher Monsieur l'abbé, je vous recommande aux tendres miséricordes du Seigneur et le prie de vous combler de ses dons les plus précieux.

            Je vous embrasse tous et suis bien affectueusement

            Votre ami et Père en J. et M.

                                                                                             Le Prevost