764  à M. Vasseur

Exhortation à la patience. Prendre les choses du bon côté. L'approbation de Dieu vaut mieux que celle des hommes. Qu'il se confie à M. Planchat. Recourir à Marie et à l'Esprit Saint.

Vaugirard, 13 mai 1861

            Bien cher enfant en N.S.,

            Votre petite lettre m'aurait beaucoup peiné si je n'avais pris confiance en me souvenant que, si les impressions du moment vous remuent profondément, le bon esprit et la réflexion vous remettent toujours dans le calme et dans le sentiment du bien. Je conçois, cher ami, qu'il vous soit dur de voir tant de réserve en M. Halluin dans l'abandon qu'il vous fait de la conduite de ses enfants et qu'un peu plus de liberté d'allure vous fût parfois désirable pour vous. Mais, cher ami, la responsabilité de M. Halluin est bien plus grande que n'est la vôtre; il sait la rudesse et les emportements de ses jeunes gens, il craint que, mal disposés comme ils le sont quelquefois contre ceux qui acceptent courageusement comme vous les obligations de l'ordre et de la discipline, ils ne se portent à quelque violence ou acte de rébellion qui compromettrait tout le bien de l'œuvre; un peu de circonspection et de timidité est bien concevable en cette situation. Tâchez donc, cher enfant, de prendre les choses du bon côté, faites pour le mieux et cherchez votre paix en Dieu. Soyez sûr que Lui au moins appréciera vos efforts; son approbation vaut mieux que celle des hommes, mieux surtout que la nôtre propre, car, lorsque nous avons tout fait pour le bien, nous ne devons dire ni penser autre chose, sinon: je suis un serviteur inutile.

            Il me semble, cher enfant, que vous ne pensez pas assez, pour vous consoler et vous remettre, à tout ce que la présence de M. Planchat va vous donner d'appui et de consolation spirituelle; vous savez comme il est charitable, compatissant, serviable; vous vous entendrez à merveille avec lui, il vous aidera pour les exercices de Communauté, pourra vous diriger au S^t Tribunal, vous encouragera dans vos difficultés et, quoique particulièrement destiné aux offices spirituels, pourra encore à l'occasion vous donner un peu de secours dans vos emplois. Il est si bon, si réconfortant d'avoir quelqu'un qui nous comprenne, qui sympathise à tout ce qui nous touche; c'est principalement dans cette vue que nous nous sommes décidés à nous séparer de notre bon abbé; il ira aussi fréquemment à Amiens pour soutenir aussi nos frères qui sont là peu nombreux et peu soutenus, je crois qu'il fera ainsi beaucoup de bien.

            Donc, cher ami, confiance, bonne espérance; nous sommes dans le mois de Marie, ne l'oubliez pas; nous nous préparons à la fête de la Pentecôte, souvenez-vous en aussi, invoquez l'Esprit Saint, Il est l'Esprit consolateur, c'est Lui qui rend la force aux âmes et qui y entretient une sainte ardeur.

            Je Lui demande pour vous, cher ami, une grande effusion de grâces; j'ai la confiance qu'elle vous sera accordée.

            Je vous embrasse tendrement en J. et M.

            Votre ami et Père

                                                                           Le Prevost

            P. S. Mille amitiés à nos frères.