785  à M. Risse

Le sacrifice de soi-même, principal mérite de la vocation religieuse. Annonce de l'arrivée de M. Risse pour le 8 septembre, jour de la Nativité de Marie.

Duclair, 28 août 1861

            Cher Monsieur l'abbé et fils en N.S.,

            Je voulais répondre le jour même à votre bonne et affectueuse lettre, et me réjouir avec vous de la grâce que Dieu vous a faite de dénouer l'un après l'autre vos liens pour vous attacher à Lui seul; j'ai toujours beaucoup de bonnes intentions, mais elles se réalisent imparfaitement, par ma faute toujours un peu et aussi par la multitude des empêchements qui se mettent à la traverse de tous nos actes. Je bénis le Seigneur qui va enfin vous rapprocher de nous et unir plus parfaitement votre existence à la nôtre. Il me vient parfois l'inquiétude que vous ne trouviez qu'un faible avantage dans cette union et que nous n'ayons pas assez de fond en vie spirituelle pour répondre à vos aspirations, ni peut-être assez de moyens pour aider bien efficacement votre action dans les œuvres. Mais je me console par cette pensée: il y aura, en tout cas, un avantage assuré, c'est l'offrande, c'est le sacrifice de soi-même généreusement fait à Dieu, c'est la volonté de tout quitter pour Lui, même sa volonté, même le peu qu'on a, s'abandonnant à Lui avec la confiance de l'enfant aux bras de son père. Cela au moins, cher Monsieur l'abbé, est bien assuré et c'est un grand bien, car c'est la marque la plus excellente qu'on puisse donner à Dieu de son amour, et c'est aussi un moyen certain d'attirer sur soi des grâces nouvelles et surabondantes. Ayons donc confiance des deux parts, cher bon ami, le Maître auquel vous vous donnez n'est point ingrat envers ses serviteurs, et si ce n'est par nous, indignes, qu'il vous récompense, il saura le faire d'autre sorte bien généreusement. Je vous promets, en tout cas, pour notre faible part, la bienveillance cordiale et la fraternelle affection de tous, avec mon dévouement le plus entier. Il me semble aussi que nos efforts concertés et nos quelques facultés réunies opéreront plus puissamment le bien, que, de retour à Metz, vous vous sentirez tout affermi, et par le peu d'aide que nous vous donnerons, et par la pensée que derrière vous il y aurait, en cas de besoin, d'autres vous-même pour vous donner appui et renfort. Enfin, et par-dessus tout, notre Dieu est le Dieu de charité, ce n'est pas en vain qu'il nous fait redire chaque jour ce chant de joie: Ecce quam bonum et quam jucundum..., il donnera la réalisation de ce doux sentiment dans l'union de cœur et de notre zèle pour sa gloire et le bien des pauvres enfants ouvriers.

            Je suis pour trois ou quatre jours absent, mais je serai de retour à la fin de cette semaine, bien avant votre arrivée. Conséquemment, croyez bien, cher Monsieur l'abbé, que nous allons compter les jours jusqu'à la fête de la Nativité de la S^te Vierge, qui sera pour nous l'annonce de votre venue; vos jeunes amis de Metz, tout particulièrement, parlent constamment de la joie qu'ils y trouveront. Nous continuons d'être satisfaits de leurs dispositions, je crois que vous serez heureux aussi de les retrouver.

            Adieu, cher Monsieur l'abbé, vous prendrez soin, n'est-ce pas, de me dire le moment de l'arrivée du train qui vous amènera, afin qu'on aille à votre rencontre pour vous faciliter la route de la gare à Vaugirard.

            Mille affections respectueuses de tous, en particulier de celui qui est heureux de se dire

            Votre dévoué ami et Père en N.S.                                  Le Prevost