Conscription d'un jeune d'Arras. Demande d'exemption
rédigée par MLP. Date de la retraite à établir.
Vaugirard, 11 mars 1862
Cher Monsieur l'abbé et fils en N.S.,
La mère du jeune Leduc et nous, chacun de notre côté, faisons tous nos efforts
pour préparer sa libération du service. Il résulte des renseignements
recueillis par nous qu'il serait à propos qu'il adressât une demande au Préfet
de la Seine
pour exposer sa situation et ses titres à l'exemption. Nous devons remettre
cette demande à un membre du Conseil Municipal qui doit l'appuyer. J'indique,
au verso de cette lettre, en quels termes et forme cette demande devrait être à
peu près rédigée. Je vous prie, cher Monsieur l'abbé, de veiller à ce que cette
pièce nous arrive bientôt. Peut-être sera-t-il bien que la signature de Leduc
soit légalisée par le Maire d'Arras.
Nous commençons à nous occuper de la retraite, parce que nous avons à décider
si elle se fera avant ou après Pâques; il y a des deux côtés quelque
difficulté. Avant, ce ne pourrait guère être que dans la semaine de la Passion, et déjà on
prépare à ce moment les Pâques. Après, vient le mois de Marie, dont on entamerait
au moins le commencement par la fin de la retraite qui se prolongerait jusqu'au
jeudi 1er et vendredi 2. Nous examinerons de notre mieux quel parti
serait le moins défavorable, et nous nous y arrêterons.
Tout va ici comme de coutume; la vie matérielle est dure, mais bien d'autres
souffrent encore plus que nous; bénissons Dieu qui nous épargne visiblement
dans sa miséricorde.
Mille affections à tous et de tous, à vous en particulier, cher Monsieur
l'abbé, à qui j'offre au nom de la famille nos sentiments de respect et de
dévouement en N.S.
Votre affectionné ami et Père
Le Prevost
A
Monsieur le Préfet de la Seine
Monsieur le Préfet,
J'ai l'honneur de vous exposer que je fais partie du contingent déterminé pour
l'année 1862 et que j'ai pris part au tirage effectué ces jours derniers
au.......arrondissement dans lequel réside ma mère, rue de la Boucherie des Invalides,
N° 12.
J'ai divers titres à faire valoir pour obtenir mon exemption du service
militaire. Je suis, en premier lieu, atteint d'une affection au cœur depuis
plusieurs années, laquelle m'occasionne des palpitations violentes et m'a
contraint de renoncer à l'état de cordonnier que j'avais commencé d'apprendre,
ainsi que peuvent l'attester les Directeurs de l'Orphelinat sis rue des Vignes,
N° 44, à Vaugirard où j'ai été élevé,
ensemble le médecin et tout le personnel de l'établissement.
Je reste, en second lieu, le seul soutien de ma mère et d'un jeune frère de 9
ans, attendu que mon père, aliéné depuis nombre d'années et déclaré incurable,
est détenu à Bicêtre, sans aucun espoir qu'il puisse jamais donner aux siens le
moindre appui. Je me prépare à subir des examens pour la carrière de
l'instruction et, dès ce moment, j'apporte quelque soulagement aux charges de
ma mère en payant la pension de mon jeune frère; mais si j'étais, malgré les
vices de ma constitution, contraint d'entrer au service, je laisserais ma mère
d'autant plus à plaindre qu'elle est elle-même fréquemment malade et ne vaque
que très péniblement au travail que son affection et son dévouement pour nous
lui ont fait entreprendre.
J'ose espérer, Monsieur le Préfet, que, tenant compte de ces motifs si graves,
vous voudrez bien admettre ma réclamation et faire prononcer mon exonération du
service militaire.
Je suis avec respect
Monsieur le Préfet,
Votre très humble et très obéissant serviteur.
Arras,
le...
Rue
Beaufort.
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