835  à M. Maignen

Appréciation de MLP. sur un livre. Exhortation à s'en inspirer et à le répandre.

Vaugirard, 1^er mai 1862

            Mon cher enfant en N.S.,

            je vous remercie de m'avoir fait connaître le nouvel ouvrage de M^me Dubos, le Père Fargeau; c'est le livre le meilleur et le plus aimable que j'aie rencontré depuis longtemps. Je ne l'ai pas seulement parcouru, je l'ai lu tout entier; je le garde pour un jour ou deux, afin d'en faire lire quelques parties à nos Messieurs. J'avais bien pressenti que, quand M^me Dubos ferait quelque ouvrage un peu suivi, il sortirait de la ligne vulgaire. Il y a dans sa pensée quelque chose de ferme et de viril et dans l'expression une netteté et une précision rares. L'étude des mouvements de l'âme est pénétrante, souvent profonde. Il y a avec cela un charme de poésie, un sentiment des choses de cœur et des beautés de la nature qui m'ont, quant à moi, bien des fois ému jusqu'aux larmes. Vous ferez bien d'étudier ce livre pour les quelques pages que vous essayez quelquefois d'écrire; la nature de votre talent aurait quelque analogie avec celui-là, proportion gardée, vous ne pourriez que gagner à incliner de plus en plus en cette voie.

            Adieu, bien cher ami; à l'occasion, offrez mon respect à M^me Dubos avec mes félicitations sur son livre, c'est un bon ouvrage et une bonne action, il fera beaucoup de bien, on ne saurait trop le prôner et trop le répandre. Il y a bien, à mon sens, quelques traits un peu forcés, mais dans un ou deux endroits seulement; puis un mot qui ne me semble pas heureux, c'est facile à rectifier.

            Votre ami et Père en N.S.

                                                                                             Le Prevost