890  à M. de Varax

A M. de Varax qui lui renouvelait son vif désir d'entrer dans l'Institut, MLP. recommande la patience et la mansuétude envers ses parents. Conseils de sagesse: "bien peser les conséquences des pas" qu'il va faire; suivre la Providence: "Allez, si vous voyez clair, ralentissez, si vous êtes dans l'ombre".

Chaville, 14 mars 1863

            Bien cher enfant,

            Je vous écris ces deux mots en hâte de Chaville, n'ayant pas eu un moment libre de tout le jour à Vaugirard; M. Marty, en passant tout à l'heure près du Montparnasse, y remettra ces lignes.

            Je me réjouis du contenu de votre lettre; pourtant, gardons-nous de contrister vos bons parents, sans absolue nécessité; si un peu de patience ménage mieux leurs cœurs, ayons patience; n'affligeons pas votre bon père surtout qui demande bien de la mansuétude dans les mouvements.

            Pesez bien aussi pour vous-même les conséquences des pas que vous franchirez; soyez sûr que plus d'une fois vous regretterez les ombrages de Montcoy, la vie libre, les rêveries, que sais-je, votre moi qui sera fort immolé. Quand le moment sera absolument venu de mettre la main au travail, que vous serez dans la voie, vous aurez grâce d'état; maintenant que vous resterez encore sur le seuil, même en habitant près de nous, est-il sûr que vous ne serez pas parfois ébranlé et que, Dieu aidant, vous saurez par avance commencer déjà votre sacrifice, sans être bien assuré que, pour le moment présent, il était urgent de le consommer? Je ne suis pas timide, je ne doute pas de vous, vous le savez bien, je désire seulement que nous suivions les indices providentiels pour avancer et que nous n'allions pas sans eux. Si vous les apercevez, marchez hardiment; si vous étiez en doute, temporisez; voilà le résumé de ces lignes; allez, si vous voyez clair; ralentissez, si vous êtes dans l'ombre.

            Sacrifiez absolument la question d'argent, elle n'est pour rien ici, ni à vos yeux, ni aux miens.

            Si vous venez me voir lundi, je ne serai de retour peut-être que vers 1h. ou 1h.^1/2, retenu que je serai à Chaville, au moins jusqu'à midi, selon l'apparence.

            J'ai un fait de quelque intérêt que je vous dirai à l'occasion.

            Adieu, bien cher ami, mille affections en J. et M.

                                                                                             Le Prevost