M. Maignen doit exercer sur ses collaborateurs l'autorité
nécessaire. Au profit de l'œuvre
de Nazareth, MLP. n'a pas hésité à procéder à des
changements, au risque d'en mécontenter certains, en particulier M. Decaux.
Vaugirard, 17
juillet 1863
Bien cher ami et fils en N.S.,
Votre lettre est bonne et affectueuse, je vous en remercie, mais elle ne
diminue rien des dangers que je vous ai signalés; tendez au moins à les
restreindre autant que vous le pourrez, au lieu de vous démettre de toute
action et presque de toute surveillance sur ceux que vous employez. Je vous ai
averti qu'en faisant autrement, vous encouriez une bien grave et bien
inquiétante responsabilité; croyez-moi, cher enfant, ne négligez point ces
avertissements. Vous me dites de poser moi-même vos coopérateurs dans leurs
emplois, je ne crois pas que ce soit ni convenable, ni possible; je vous ai
invité à ne les prendre que comme des aides plus ou moins participant à votre
action, mais non comme des remplaçants, mission qu'ils n'auraient utilement ni
pour l'œuvre, ni pour eux, ni pour la Communauté. Vous
m'accusez, cher ami, de ne point vous montrer assez d'affection en cette
occasion, non plus qu'à vos frères. N'est-ce pas vous témoigner ma sollicitude
que de vous éclairer sur les difficultés que telles ou telles dispositions
peuvent vous préparer, et n'est-ce pas aussi une marque de mon affection pour
vos frères que de leur épargner les peines que de fausses mesures peuvent leur
attirer? Pour vous donner satisfaction, j'ai mis en détriment l'œuvre de
Grenelle et mécontenté ceux qui la protègent et l'appuient; je vous ai donné
d'abord M. Chanteaud et l'ai ensuite, malgré ses vives répugnances, retiré;
j'ai changé M. Boucault, bien contre son désir, et enfin je vous ai laissé M.
d'Arbois; tout cela, au grand mécontentement de M. Decaux que ces changements
multipliés contrariaient; que pouvais-je donc faire de plus? Je suis bien loin,
cher enfant, de rappeler tout cela comme reproche, je ne fais que répondre à
l'observation contenue dans votre lettre. Mon affection pour vous reste
toujours la même; à mon âge, on garde ses vieux sentiments et ses vieux amis
bien précieusement, je n'ai point de sentiment meilleur ni de plus vieille
amitié que celle que je vous ai vouée en N.S.
Votre ami et Père
Le Prevost
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