|
Séjour en famille projeté par M. Vasseur. MLP. se montre
réservé sur les bienfaits de tels séjours: bien souvent,
ils "nuisent au calme et au recueillement de l'esprit", peuvent
causer troubles et hésitation, même lorsque le religieux est affermi dans sa
vocation. L'esprit de foi de MLP. lui fait affirmer que "c'est surtout par
ses prières et par ses œuvres offertes à leur intention", qu'un religieux
peut servir les siens.
Vaugirard, 27
août 1863
Mon cher enfant en N.S.,
Je ne crois pas aussi bien inspiré que vous le pensez votre désir d'aller dans
votre famille; si vous cherchez bien attentivement devant Dieu l'utilité réelle
et sérieuse qui peut revenir aux vôtres de ce voyage, vous trouverez qu'elle
est bien restreinte; vous avez un frère aîné honnête et grave qui veille aux
intérêts de votre père comme au bon accord de tous, il n'est donc guère à
penser qu'étant toujours absent et moins au courant des besoins et dispositions
de chacun, vous puissiez intervenir plus utilement que lui dans les affaires de
la famille; c'est surtout par ses prières et par ses œuvres offertes à
l'intention des siens qu'un religieux peut les servir. La question réduite pour
vous au besoin de repos et d'un peu de dilatation peut aisément avoir sa
solution par un séjour à Chaville, où quelques-uns de nos frères peuvent venir
avec vous se refaire. C'est dans ce but que nous formons avec tant de
sacrifices notre établissement dans cette campagne; si un pareil effort de la Communauté dans
l'intérêt de ses membres n'atteignait pas son but, nous aurions bien à le
regretter, et pour les sacrifices perdus, et pour l'esprit de la Communauté elle-même
qui souffre inévitablement des pérégrinations des frères. Soyez bien assuré,
mon cher enfant, que, pour ce qui vous concerne, loin de revenir plus affermi après
l'excursion que vous projetez, vous reviendriez moins fort, les dissipations
d'un voyage, les préoccupations de mille détails et de menus intérêts de
famille ne pouvant que nuire au calme et au recueillement de l'esprit. Si,
comme je le pense, vous n'avez pas de doutes réels sur votre
vocation, vous ne trouverez qu'avantage à demeurer au sein de votre famille
spirituelle durant vos jours de repos, plutôt que d'aller au dehors trouver
peut-être des causes de troubles et d'hésitation. Si, au contraire, vous êtes
en incertitude, vous courez grand risque de faire pencher la balance du côté
qui vous rejetterait dans le monde, si au lieu de consulter Dieu dans un peu de
retraite et de repos chrétien, vous allez chercher inspiration et conseil près des
personnes du dehors.
Voilà, cher enfant, mon sentiment, communiquez mes observations à notre p.
Beaussier; s'il était d'un avis différent du mien, j'en causerais bien
volontiers avec lui et j'adopterais certainement le parti auquel il croirait
bon de s'arrêter.
Croyez, cher enfant, à tous mes sentiments bien cordialement dévoués en N.S.
Votre ami et Père
Le Prevost
|