Le jeune séminariste est en vacances dans sa famille.
Exhortation à parler sans trop d'insistance pour le moment
de sa vocation religieuse. Exemple des cousins de M. de Varax, qui ont
laissé "une grande fortune, un beau nom" pour suivre le Christ.
Compter surtout sur les moyens spirituels et la dévotion au Cœur de Marie,
"sanctuaire et autel" d'où s'élèvera notre prière et se consommeront
nos sacrifices".
Vaugirard, 26
août 1864
Bien cher enfant en N.S.,
Vous avez bien tardé à m'écrire, j'en avais un peu d'inquiétude, craignant que
vous n'eussiez rencontré quelque contrariété inattendue; il n'en est rien, Dieu
soit béni, toute votre chère famille va bien et vous-même êtes dans de
parfaites conditions. Je prends intérêt à tout ce que vous dites concernant
votre maison; je suis heureux, en particulier, du bien que vous pensez de votre
belle-sœur; c'est un si précieux avantage pour le sort et temporel et spirituel
d'un homme qu'une compagne vraiment animée de l'esprit chrétien; c'est un
véritable don de Dieu et pour lui et pour sa famille; c'est la bénédiction de
sa maison.
Tous ici vous gardent le plus affectueux et le plus fidèle souvenir; je ne
manque pas, pour ma part, à la petite prière que je fais chaque soir à St Joseph
et à votre saint patron [St Michel] à votre intention. M. de Varax
aussi garde ses pieuses pratiques pour vous.
Il a subi très heureusement son examen de philosophie et a été admis sans
difficulté pour prendre place au Séminaire à la rentrée d'octobre. Il reste
seulement peu vigoureux; depuis quelques jours, il est parti (prenant un petit
détour par Chalon) afin de se rendre avec ses parents aux bains de mer du
Havre. J'aurais préféré qu'il allât vers le midi, à la Méditerranée, car je
sais, par expérience, que la mer est peu aimable dans la Manche, dès que la saison
est un peu avancée; mais son père, fort languissant lui-même, a désiré aller
dans le Nord, ayant beaucoup souffert dernièrement de la chaleur de l'été dans
les Pyrénées.
Il paraît que M. Christian de Bretenières doit aller commencer son Séminaire à
Rome; je crois que la chose est encore un peu secrète; vous ne l'aurez pas,
probablement, à St-Sulpice.
Je serais bien heureux, ainsi que nos frères, si vous pouviez, une fois à
Mâcon, vous diriger vers Paris; le bon Dieu arrangera peut-être les choses
ainsi; Il s'est bien heureusement mêlé jusqu'ici de toutes vos affaires,
continuez à vous abandonner à Lui. Je n'ai pas de conseils, cher enfant, à vous
donner pour votre direction durant les vacances; vous avez votre manuel, les
bons avis du r.p. Pinaud vous sont encore présents, et d'ailleurs N.D. de la Salette et votre bon ange
veillent sur vous; ce qu'ils protègent est bien gardé. Peut-être pourrez-vous,
dans la conversation, laisser tomber, sans affectation, le fait frappant des
vocations de MM. de Bretenières; ils laissent, en la dédaignant, une grande
fortune, un beau nom, tous les avantages les plus enviés du monde; l'un [Just]
pour se faire missionnaire, l'autre [Christian] sans doute aussi pour quelque
condition de renoncement absolu. Il n'est guère besoin de commentaire, vous
n'en aurez pas d'autre à y faire, sinon: Dieu appelle les siens où Il les veut.
C'est assez, les insinuations générales suffiront cette année; vous voyez par
vous-même combien vos bons parents s'alarmeraient facilement. Mais,
indépendamment de ces moyens bien secondaires et bien insuffisants, employons
surtout les moyens spirituels, les puissances de la foi, la prière, la
confiance en la T. Ste
Vierge qui déjà est intervenue si aimablement dans vos affaires; confions-lui
l'achèvement de l'œuvre qu'elle a commencée, elle y mettra sa dernière main et,
sans froissement, par des voies pleines de suavité, elle vous mènera à votre
fin. C'est dimanche la fête du St Immaculé Cœur de Marie; réfugions-nous
dans cet asile; doux Cœur de Marie, soyez notre refuge; allons y apprendre
toute science chrétienne et toutes les vertus; que là aussi soit notre
sanctuaire, notre autel d'où s'élèvera notre prière et où se consommeront nos
sacrifices; école, refuge, sanctuaire, oui, que le Cœur de Marie soit tout cela
pour nous; ainsi, nous aurions lumière, force et consolation.
Adieu, bien cher enfant, je pars demain pour un petit voyage de 4 ou 5 jours.
Je reviendrai pour le 2 ou 3 septembre. Si d'ici là, vous aviez à m'écrire, je
serai chez Mme Salva, ma sœur, à Duclair (Seine Inférieure). Je vous
embrasse tendrement en J. et M..
Votre ami et Père
Le Prevost
Déchirez ou brûlez mes lettres.
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