Abattu, découragé, le frère Legrand veut quitter
l'Institut pour entrer comme frère chez les Jésuites. MLP. exhorte M. Caille à intervenir lui-même par lettre et
auprès d'un prêtre de confiance, pour qu'il surmonte son épreuve et retrouve la
paix.
Vaugirard, 6
avril 1865
Bien cher ami et fils en N.S.,
Vous apprendrez avec peine que notre cher Alexandre Legrand si dévoué, si exact
en tout d'ordinaire, est en ce moment tout démonté et tellement découragé qu'il
est allé s'offrir comme frère coadjuteur chez les pp. Jésuites, et qu'il paraît
très décidé en ce moment à nous quitter. J'ai essayé quelques observations,
mais il est buté, il m'évite et refuse d'entendre raison. La cause de cette
triste disposition est le dégoût qu'il a pour l'enseignement; il y éprouvait
très souvent des peines, mais il me les disait, je l'encourageais, il
paraissait se tranquilliser; mais il semble bien maintenant qu'au fond il ne
l'était pas; les ennuis ainsi gardés intérieurement se sont grossis et amassés,
il a cessé de venir en direction, et enfin il s'est trouvé tout à fait hors de
sa voie. Je le soupçonnais d'autant moins que maintes et maintes fois je lui
avais dit: «Portez tant que vous le pourrez le fardeau de votre emploi, mais,
pour vous tranquilliser, rappelez-vous bien cette promesse: dès que
vous vous sentirez définitivement trop chargé par ces fonctions, avertissez-moi
et, à l'instant, je vous changerai d'occupation».
Je viens de transmettre au r.p. Charlet une lettre qu'il lui écrit pour
l'avertir de sa résolution de nous quitter et d'entrer comme frère chez les
Jésuites; je vous prie de voir ce bon père et d'en conférer avec lui, en le
priant d'user de son influence pour le remettre en paix. J'ai pris mes mesures
pour le retirer des classes, mais il est en ce moment si mal disposé qu'il ne
paraît vouloir rien prendre en bonne part. Nous lui avons tous et toujours
pourtant, moi en particulier, montré confiance, affection et sollicitude; il
répond mal à notre attachement pour lui.
Ce n'est, je l'espère encore, qu'une épreuve; je crois que, si vous lui
écriviez une lettre cordiale et paternelle, vous auriez peut-être meilleur
succès que nous. Priez surtout pour lui, car tous les mouvements des hommes sont impuissants là où n'est pas l'action
de Dieu.
Adieu, mon bien bon ami, j'espère que tout va bien chez vous; embrassez pour
moi vos frères comme je vous embrasse vous-même dans les Cœurs sacrés de J. et
de M..
Votre tout affectionné ami et Père
Le Prevost
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