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Jean-Léon Le Prevost Lettres IntraText CT - Lecture du Texte |
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1016 à M. MaignenLe moment est venu pour l'Institut de faire sa place dans le monde chrétien. Obstacles qu'il rencontre. Nécessité de la régularité aux exercices communs pour persévérer dans la vocation. Exhortation à une vie spirituelle plus généreuse, à travailler pour Dieu dans l'oraison "pendant que vous prierez, Dieu fera vos œuvres".
Bien cher ami et fils en N.S., Notre absence ne sera pas aussi courte que vous semblez le croire; il ne paraît guère probable que nous arrivions avant mardi prochain, 22 de ce mois, nous aurons donc été 30 jours partis; le temps coule vite; M. Paillé a tenu à ce que je fisse une saison à peu près ordinaire aux eaux, bien que, pour ma part, j'en attende peu d'effet; j'ai toujours pensé que la fin réelle de mon voyage était le pèlerinage de la Salette; puissions-nous y avoir obtenu les grâces dont nous avons, comme vous le dites, en ce moment, tout particulièrement besoin. Nous semblons arrivés, en effet, au moment où la Communauté avec ses œuvres doit prendre sa place dans le monde chrétien, et, loin de nous aider à nous poser le moins mal possible, chacun semble nous mesurer jalousement nos limites et prendre à tâche que nous soyons aussi petits que possible; c'est mauvais signe. Si ceux qui nous entourent étaient grands eux-mêmes, ils nous tendraient noblement la main et nous abriteraient sous leur puissance; mais comme, aujourd'hui surtout, le mot de Bossuet en présence de la cour est vrai: Dieu seul est grand, mes frères!..." Oui, Il est grand, heureusement cela suffit; que les autres soient petits et faibles, il n'importe, ceux qui s'appuieront fermement en Lui ne défailliront point. C'est bien là, n'est-il pas vrai, cher ami, le sens de votre lettre, du sorte de gémissement qu'elle exprime et de l'aspiration pénible qu'elle exhale. J'y fais écho bien sympathiquement et nous sommes à deux (et bien plus assurément) dans les mêmes pensées, dans le même sentiment. Avant que votre lettre m'arrivât, M. Paillé, dans les entretiens qu'amènent nos longs tête-à-tête, me disait la souffrance que lui donnait l'inexactitude et même l'apparente indifférence de quelques frères pour les exercices; en même temps, M. Hello nous écrivait dans ce sens, et une autre lettre encore redisait la même plainte. Comment donc un besoin si profondément senti est-il si mal satisfait? L'attrait pour l'activité extérieure, ou plutôt la paresse de l'esprit qui répugne à l'application au spirituel, l'éloignement naturel pour toute règle, l'obéissance imparfaite des frères, l'autorité faible ou insuffisante chez les Supérieurs. Le remède serait: une mortification plus grande, une obéissance plus vraie, un esprit de foi plus profond. Nous sommes tous un peu comme Louis XIV, cher ami, nous voulons bien, dans les sermons, faire notre part, mais nous n'aimons pas qu'on nous la fasse; je ne vous ferai donc aucune application personnelle de tout ceci, d'autant que, prenant les devants, vous vous l'êtes mesurée généreusement. Pourtant, il ne serait pas excessif de dire qu'après tant de mouvements, de travaux extérieurs, de rapports avec le monde, ou l'expérience de tous les maîtres spirituels est vaine, ou vous avez un besoin urgent, extrême d'un peu d'oraison prolongée, d'un peu de calme et de recueillement, d'un peu d'union et de retour à Dieu. A moins de miracle, personne ne vit sans nourriture; ce serait tenter le Seigneur que d'espérer pour votre âme qu'elle échappera à la langueur, au dépérissement et peut-être à la chute si elle est trop peu refaite et soutenue; il faut essentiellement au religieux l'oraison, la mortification, une règle; vous n'avez plus rien de tout cela, la conclusion est claire, vous ne serez pas longtemps par l'esprit et le cœur, ni un religieux, ni un homme spirituel. Ces mots me coûtent à écrire, car il serait bien amer qu'après avoir tout quitté si généreusement à la fleur de votre âge, après avoir tant travaillé depuis vingt ans, vous vous retrouviez au point de départ et peut-être en deçà; mais, cher enfant, il vaut mieux le dire, afin de l'empêcher, que de le laisser s'accomplir par un ménagement de sentiment. Tout ce que vous me dites dans votre lettre, en ce qui vous touche, me frappait et peinait M. Paillé, et mettait encore d'autres en souffrance. Mais que faire? dites-vous; et les exigences et attentes des bienfaiteurs, et les ressources à recueillir, et les jeunes gens à recruter et à soutenir au jour le jour. Tout cela est vrai, mais tout cela se fera par Dieu mieux que par vous; travaillez pour Lui dans l'oraison, dans les lectures pieuses (qu'on me dit bien négligées), dans quelques sacrifices aux exercices et à la règle; Dieu vous le rendra et, pendant que vous prierez, le Seigneur fera vos œuvres. Ayez, cher enfant, cet esprit de foi, faites courageusement la part du spirituel, calculez bien vos affaires, ne manquez jamais surtout les exercices pour de légers prétextes et souvent pour rien, et vous verrez que vos affaires en iront mieux. En ce moment de l'année, vous pouvez plus aisément, avec un peu de volonté, rentrer un peu en votre intérieur; faites-le, reprenez quelques livres saints, (lisez la vie de Ste Chantal, par exemple, livre hors ligne). "Fuyez, taisez-vous, reposez-vous", dit un ange à St Arsène; il le fit et devint un saint. Voilà, cher enfant, ce que je sentais le besoin de vous dire; je crois qu'au fond c'est pour cela que j'ai provoqué votre lettre; je serai heureux si, à mon retour, vous avez fait quelques pas dans le sens que j'indique, si surtout vous prenez d'avance vos mesures pour faire, entière et sans rognure, la prochaine retraite; je vous y aiderai de mon côté, car je suis résolu à n'accepter aucune des raisons qui pourraient vous faire empêchement. J'ai bonne confiance que, malgré les difficultés et par elles peut-être, et notre Communauté, et nos œuvres s'asseoiront, mais à la condition que l'esprit de vie sera à l'intérieur; faisons moins, mais travaillons selon Dieu et avec Lui, là est le secret de notre avenir; si nous le comprenons, nous vivrons. Demain, nous allons bien penser à vous tous et à vos enfants; les retraites de la Sainte-Famille, les préparations de toutes sortes pour la grande solennité, nous suivrons tout par le cœur, nous serons partout avec vous, avec Marie notre Mère, avec les anges et les Saints qui la glorifient, avec Dieu qui l'embrasse et la couronne. Adieu, mon vieux, mon bien cher enfant, je vous embrasse en prédilection et suis et serai jusqu'à la fin Le Prevost
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