1091  à M. Trousseau

Comment on combat le découragement.

Vaugirard, 3 juin 1866

            Bien cher enfant en N.S.,

            Je pense que la petite tentation de découragement que vous me manifestiez dans votre lettre d'hier est déjà passée, comme les nuages qui cachent un moment le soleil, mais que le soleil dévore ou chasse au loin. Je vous ai vu souvent des épreuves semblables, mais je vous ai aussi toujours vu vous en rendre maître et prendre le dessus. Vous en tirerez bon parti, comme vous l'avez fait par le passé; vous reconnaîtrez qu'il faut fortifier de plus en plus en vous la patience, la fermeté en présence des difficultés, afin d'achever l'œuvre de votre formation spirituelle; vous le savez bien, on n'est pleinement un bon instrument aux mains du Seigneur que quand on s'est endurci à la peine, et qu'on peut porter résolument les contrariétés et les passes difficiles. Et comment y arrive-t-on? Comme on arrive à fortifier le corps et à l'assouplir, par les exercices de gymnastique et un travail un peu rude. Vous y êtes en ce moment, cher enfant, non par votre choix, mais par des circonstances qui manifestent évidemment la volonté de Dieu; tenez donc ferme, en l'invoquant pieusement et avec ferveur, et soyez sûr qu'Il disposera les choses pour que vous ayez soulagement ou pour que d'autres moyens nous adviennent.

            Vous n'avez d'ailleurs en ce moment qu'à temporiser chrétiennement, puisque dans quelques jours M. Laroche doit nous venir voir. Il nous exposera à ce moment ses vues sur la situation et sur les remèdes qui pourraient y être apportés. Remontez-vous donc, si, comme je le disais, ce n'est déjà fait; ayez confiance, priez, la foi remue les montagnes et la ferveur touche infailliblement le cœur de N.S., le cœur aussi si tendre, si miséricordieux de Marie, notre Mère. Je prie avec vous, et je demande aussi la prière de ceux qui m'entourent et qui vous sont, comme moi, bien affectueusement dévoués en N.S.

                                                                                                Le Prevost