1145  à M. Caille

Où peut conduire l'habitude de juger et de critiquer toutes choses et toutes personnes. Conseils pour aider un frère à retrouver le chemin de l'humilité et de l'abnégation. Il faut faire preuve de compassion envers lui.

Vaugirard, 13 novembre 1866

            Mon bien bon ami et fils en N.S.,

            Je n'ai pas été un seul moment en doute que tout n'ait été fait par vous et par notre excellent f. Marcaire pour faire une bonne et utile position à M. Emile [Beauvais]; il est, je vous l'ai dit, dans sa nature de s'accoutumer difficilement aux impressions qu'un changement de lieux et de personnes et d'occupations peuvent susciter; de plus, son esprit est, en ce moment, mal disposé; il s'est accoutumé un peu, comme l'avait fait M. Carment, à tout juger, à tout blâmer, à croire tout le monde peu bienveillant pour lui. Quand on sort de l'humilité, de l'obéissance et de l'abnégation en vie religieuse, on est complètement hors de sa voie et on ne saurait trouver de repos; c'est là son état; nous avions espéré qu'un changement de lieux pourrait lui être favorable; jusqu'ici, le moyen ne réussit guère; pourtant nous pensons qu'avec quelque ménagement, il se rassoira; il pourrait, en ce cas, rendre de grands services, car il a l'expérience de nos œuvres, il est laborieux et fidèle à ses emplois, quels qu'ils soient. Je lui écris pour lui dire que M. Lantiez ou moi devons, d'ici à quelques jours, aller à Arras pour l'ordination de M. de Varax, du 20 au 25 de ce mois, que nous causerons avec vous et avec lui pour aviser aux moyens de lui rendre la paix. Peut-être ces quelques jours suffiront pour l'acheminer à une meilleure disposition; s'il en était autrement, nous verrions comment on doit le remplacer chez vous et l'employer ailleurs. Dites bien tout cela à notre cher frère, M. Marcaire, en l'assurant que j'ai pleine confiance, comme toujours, en son zèle et en son dévouement, aussi bien qu'au vôtre propre. Prions Dieu ensemble pour notre pauvre f. Emile; son esprit est abattu et mal disposé, c'est un mal comme un autre et qui veut compassion de notre part.

            Adieu, mon bien cher ami, embrassez pour moi nos chers ff. Marcaire et Hubert, et croyez aussi à ma tendre affection en N.S.

            Votre ami et Père

                                                                                             Le Prevost

            Cachetez ma lettre à M. Emile avant de la lui remettre.