Envoi de M.Charrin à Arras. Nécessité d'un Conseil par
semaine. Ne pas trop entreprendre. Ménager ses forces.
Vaugirard 1er février 1867
Mon cher enfant en N.S.,
Je vous envoie M. Charrin pour vous porter secours, particulièrement dans
l'œuvre du patronage; il a pour cette bonne œuvre une aptitude marquée et une
assez satisfaisante expérience. Il sera toutefois bien nécessaire que vous et
M. Trousseau ne le posiez qu'avec gradation et transition ménagée; M. Victor a
assez bien la confiance des grands jeunes gens, il doit tâcher de leur être
encore utile; déchargé des soins et préoccupations matérielles, il pourra (en
tâchant sur toutes choses d'être en parfaite entente avec M. Charrin) exercer
encore une utile influence.
Je crois que vous ferez bien d'avoir chaque semaine entre vous un petit
Conseil, où tous les intérêts du patronage et ses principaux gestes seraient
examinés, préparés. Là, sans user trop impérativement de votre autorité, vous
pourrez juger de l'utilité des dépenses projetées, à moins qu'elles ne
concernent des objets fort minimes; veillez bien à la régularité des comptes et
aux mesures d'ordre; il ne faut pas trop d'administration, mais il en
faut assez; votre esprit a la précision désirable pour aimer l'ordre et le
faire observer. Le petit Conseil de semaine me semble de toute nécessité; on y
peut porter à peu près toutes les questions, sauf celles qui auraient une
importance exceptionnelle et que vous croiriez devoir réserver.
Il nous semble impossible que vous preniez présentement le soin de l'Œuvre de St-François
de Sales, vous êtes trop chargé d'occupations; peut-être le pourrez-vous un peu
plus tard, à moins que vous n'y voyiez une utilité patente, notable pour nos
propres œuvres.
Vous êtes bien peu robuste pour prêcher dans une grande église, et vous avez
bien peu de loisir pour vous y préparer; posez-vous nettement comme ne mangeant
pas au dehors, avec toutes les formes polies possibles. Je ne me rappelle pas
que M. Trousseau ait demandé un livret de caisse d'épargne.
M. Charrin vous porte 150f,
un Manuel du confesseur, un règlement, un cahier de musique pour M.
Lainé.
M. Charrin a négligé un rhume qui se passe lentement; il aura besoin d'un peu
de ménagement; il faut aussi le suivre et le diriger un peu dans ses travaux,
il n'est pas encore assez ferme pour qu'un peu d'appui moral ne lui
soit pas très utile. C'est l'âme la meilleure, la plus cordiale, la plus
franchement donnée à Dieu que vous puissiez rencontrer; son caractère et sa
bonté sont rares.
Adieu, bien cher ami, croyez à tous mes sentiments tendrement dévoués en N.S.
Le Prevost
P. S. Soyez bien économe, afin que nous ne posions pas l'œuvre d'Arras de telle
sorte que nous ne puissions la garder.
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