1360  à M. de Varax

Ordination du frère Trousseau au diaconat. Soin à apporter au choix des collaborateurs dans nos Œuvres. Qualités requises chez les jeunes gens. Conseils pour la rédaction de son testament.

Chaville, 16 décembre 1868

            Bien cher ami et fils en N.S.,

            J'envoie, comme vous le désirez avec raison, quelques mots à notre cher M. Victor [Trousseau] à l'occasion de son ordination.

            Pour ce qui regarde votre proposition au sujet de M. Gérold, nous n'avions aucune prévision sur le temps où il pourrait être appelé au Noviciat. L'y faire entrer créerait un vide chez vous, le remplacer ferait un autre vide chez nous; encore faudrait-il que le sujet à vous envoyé ne fût pas moindre que lui; c'est ce qui arriverait assurément puisqu'après un examen attentif, le Conseil n'a trouvé, comme susceptible de vous être donné, que le jeune Dufour, âgé de 18 ans, faisant la 3^e division des Classes à Vaugirard, assez intelligent, faisant assez bien sa classe et ses surveillances, mais imberbe encore, payant peu de mine et ressemblant plus à un grand écolier qu'à un maître; si vous ajoutez à cela le vêtement et toute la tenue mal soignée qu'on tolère à Vaugirard, vous serez d'avis que garder M. Gérold est bien préférable. Au Noviciat, nous n'avions qu'un homme un peu formé, M. Nominé; on a dû l'envoyer à Metz pour remplacer M. Lucien Jacquart, que son inconstance incorrigible a jeté dehors dans une heure de folie et que nous n'avons pas cru devoir reprendre, malgré ses instances, n'espérant pas plus de raison de lui pour l'avenir; il a erré, cherchant des emplois, même bas, puis, en désespoir de succès, s'est rendu à Rome où l'armée pontificale sera, je l'espère, son refuge. Nos ff., ici, ignorent cette fugue insensée, n'en dites rien; tâchez que le pauvre M. Watelet reçoive grâce de sagesse et ne fasse pas pareille fin; je prie pour lui avec vous.

     Je crois que vous faites ce qui est le mieux pour la conscription de M. Gérold.

            Pour le testament, je trouve bien tout ce que vous ferez; il est plus sage, peut-être, de n'être pas trop exclusif, comme l'indique le notaire; il faudrait aussi ne pas froisser votre bonne mère; je crois bien assuré que, s'il arrivait qu'elle vous survécût, nos ff. (je ne parle pas de moi qui serais déjà dans les vagues souvenirs) ne feraient aucune résistance à une personne qui leur inspirerait autant d'estime et de respect qu'ils en ont pour elle; il serait donc bien, non seulement en cette hypothèse peu fondée, mais dans tous les sens, de ne pas aller contre ses sentiments.

            Votre tout affectionné ami et Père

                                                                                             Le Prevost