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Jean-Léon Le Prevost Lettres IntraText CT - Lecture du Texte |
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40 à M. LevassorLe projet de Maison d'étudiants fait long feu. MLP. examine avec sa femme d'autres solutions proposées par M. Levassor. Deux confrères de la Société de Saint-Vincent-de-Paul s'intéressent aussi au projet.
Paris, le 17 mars 1835 Il paraît maintenant bien certain, mon cher ami, que Dieu ne vous veut pas dans la situation que nous avions désirée, lui qui tient les cœurs en sa main, pouvait aisément nous rendre favorable celui de votre mère, il ne l'a pas fait, plus tard, peut-être, il nous laissera voir pourquoi. Aujourd'hui, cher ami, ayons confiance et soumettons-nous en attendant son heure. Quelque regret que me puisse causer cette issue de nos projets, je sens bien qu'elle vous est rude encore plus qu'à moi; vous l'aviez moins prévue peut-être et d'ailleurs elle dérange plus essentiellement l'ordre de votre vie. Mais qu'importe cela? Pour tous deux n'y a-t-il pas cette pensée consolante qu'une vie, réellement et de cœur donnée à Dieu, n'est jamais inutile, qu'il sait bien, lui, en tirer parti et y donner un noble emploi. Pour vous, ô mon ami, il vous ferme cette voie, c'est qu'il vous appelle dans une meilleure, pour moi, sans doute, c'est que la tâche qu'il m'a donnée déjà, suffit à ma faiblesse, si peut-être elle ne la dépasse. Ainsi quelque affligée et triste que me paraisse votre âme, je suis en repos sur elle, elle saura ou se plaindre ou se consoler, n'ayez pas trop de regret non plus pour moi, cher ami, comme vous je prierai et comme vous, je retrouverai la paix. Il va sans dire que je n'ai point omis de tenter ou d'examiner les différents moyens que vous m'indiquiez dans votre lettre, pour empêcher l'entière destruction de nos projets. Malgré la gravité des considérations dont je vous ai entretenu plusieurs fois touchant mes ressources personnelles et les raisons qui m'empêchent d'en disposer librement, j'ai une dernière fois examiné l'état des choses et consulté aussi ma femme. Vous savez, mon ami, comme la maladie nerveuse de ma femme la préoccupe douloureusement de pensées tristes et de craintes heureusement non fondées; mais je dois, vous le savez aussi, pour son repos, en tenir compte et ne lui donner aucun sujet d'inquiétude. Mes années, m'a-t-elle dit, sont comptées, si encore j'en dois avoir; durant ce peu de jours je voudrais du repos, n'engagez donc ni vous ni moi dans aucun embarras, je me sens incapable de rien soutenir de tel. Que tout cela ne fût point fondé en raison, il n'importe, n'est-il pas vrai mon cher ami, il est de mon devoir d'y donner une valeur absolue et de ne point passer outre. Ma femme trouvait bon toutefois, pour ne pas me refuser tout, que je prisse la responsabilité du loyer de la maison pendant les deux dernières années du bail et qu'immédiatement je donnasse 1000f ou 1200f, moitié en meubles pour suppléer à l'insuffisance de ceux de l'établissement, moitié en argent pour les autres besoins. Mais cela ne comble rien, n'aplanit rien, il faut une somme ronde, un peu plus ronde même que vous ne le paraissez croire. D'abord 4.000f avec vos 2.000f présumés de bénéfice en fin d'année, pour compléter le payement à faire à M. Dufour. De plus, pour assurer le loyer de la maison durant la première année, 4.000f encore; pour la remise en état du mobilier 1500f., pour premières avances et dépenses courantes 2.000f. En tout, cela donne 11.500f et nous n'avons pour y pourvoir que 1000f, à prélever peut-être sur votre pension et autant que je puis offrir; reste toujours, à prendre au mieux les choses, un déficit de 8 à 9000f. Vous remarquerez que ce calcul repose sur la prévision, je l'avoue peu admissible, d'un non succès absolu. Je suis allé voir M. Marziou avec l'intention de lui offrir 1/3 dans le bénéfice, s'il voulait avancer cette somme, afin qu'une large chance lui fut donnée en avantage, si quelque chance pouvait être à courir en perte. La proportion était basée d'ailleurs, comme nous l'avons dit, et sur l'âge et sur le caractère de M. Marziou qui nous obligeait, tout en contractant un engagement avec lui, à lui donner appui et force contre nous-mêmes. Les deux autres tiers du bénéfice devaient, dans ma pensée, appartenir, l'un à vous, l'autre à moi, et servir à compléter le payement de l'établissement. M. de la Noue68 s'est trouvé là au moment de ma visite à M. Marziou et j'ai pu faire ma proposition à ce dernier avec d'autant plus d'assurances qu'il pouvait avoir un conseil tout naturel dans un ami entièrement désintéressé. Sur simple exposition des faits l'un et l'autre ont pris feu et demandé ardemment la réalisation de notre projet, s'offrant à l'envie à y concourir comme à chose sainte et utile pour tous nos amis chrétiens. Mais, en dernier résultat, ni l'un ni l'autre n'ont actuellement disponible la somme qu'il nous faudrait et ne peuvent assurer expressément qu'à temps fixe ils pourraient la présenter. M. Marziou est appelé en ce moment par sa famille pour reddition de comptes, mais cela peut durer un certain temps; sa majorité d'ailleurs n'est point encore sonnée, enfin il serait à craindre que sa famille dans une légitime sollicitude pour la gestion de sa fortune n'en réclame la direction avec assez d'instance pour lier les mains à notre ami. Il partira donc sous peu et il espère pouvoir nous donner réponse dans un délai assez court; mais vous et moi savons assez les choses pour ne pas asseoir une détermination et conclure arrangement sur des bases aussi peu assurées. Je ne vois d'autre part aucune voie ouverte, la pensée de l'opposition si énergique de votre mère m'afflige d'ailleurs et ne me permet pas de rechercher aussi librement que je l'eusse voulu les ressources qui pourraient par hasard exister encore. Je n'ai même pas par volonté expresse tenté celles que vous m'aviez indiquées, car il vous appartient et non à moi d'apprécier le degré de liberté légitime qui vous reste sans manquer au respect et à la soumission que vous devez à votre famille. Je me borne donc et me bornerai à la simple exécution de vos instructions. Il me reste à voir M. Dufour. Je n'ai pu le rencontrer. J'y retournerai ce soir. En tout état de cause, j'offrirai vous et moi à son choix pour surveiller la maison gratuitement durant tout le temps qu'il voudrait s'en absenter. Ce sera un bien faible dédommagement de l'incertitude où nous l'avons tenu jusqu'ici. Il ne faut pas d'ailleurs espérer qu'il se prête à aucune conciliation du genre de celle que vous lui aviez déjà proposée, c'est-à-dire de garder la propriété de l'établissement. Je le crois donc, mon cher ami, je puis consigner ici, bien assurément, la rupture absolue de nos projets et dire adieu avec vous à cet agréable rêve. Je puis l'écrire, en toute vérité, ce que j'en regrette le plus c'est vous, c'est l'appui chrétien que j'espérais trouver dans notre association. Dieu y pourvoira et me soutiendra lui-même peut-être, priez-le pour cela, je vous en conjure, mon ami, restons unis par la prière au moins, si nous devons autrement être séparés. Mais j'y songe, abandonnez-vous donc Paris? Et pourquoi? On ne peut guère étudier aisément que là! N'y passerez-vous donc point au moins une partie de votre temps? Votre lettre semble dire non, revenez sur ce sujet dans votre prochaine lettre. Adieu. je vous dirai mon entretien avec M. Dufour. A vous de cœur en Jésus-Christ Le Prevost
Demandez pour nous deux les prières de M. Lecomte.
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68 Un article du Bulletin de la Société de St Vt-de-P., intitulé les origines de la société de St-Vincent-de-Paul, relate l'épisode de la réunion au cours de laquelle les membres fondateurs de la Société se retrouvèrent pour prendre une grave décision: devait-on, oui ou non, accueillir au sein du groupe un nouveau membre, en la personne de Gustave Colas de la Noue? Dès la 3e ou 4e réunion, soit le 7 ou le 14 mai 1833, G. de la Noue fut admis dans le petit cercle et considéré comme le 7e membre, puisque Bailly n'était pas à proprement parler membre du petit groupe. Un premier tournant est pris ce jour-là, car ce ne fut pas sans hésitation que le petit noyau fondateur se décida à admettre un membre supplémentaire, craignant, en s'étendant, de rompre le charme de leur intimité première. De la Noue fera partie des commissions constituées en décembre 1834 et janvier 1835 pour examiner la proposition d'Ozanam de scinder la Conférence en plusieurs sections (Positio, p.81-82). |
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