44  à M. Pavie

Félicitations pour son mariage. Guépin, leur ami malade, va mieux.

12 juin 1835

Il ne me reste plus cher ami qu'à vous féliciter, puisque la grande chose dont vous m'aviez dit le projet touche maintenant à sa réalisation. C'est une pleine joie pour moi de voir votre vie si bien commencée jusqu'ici, se rester fidèle à elle-même et s'ouvrir un large passage dans l'avenir. Mes vœux vous ont suivi dès longtemps pas à pas; ils vous accompagneront, cher ami, surtout aux jours solennels qui se préparent pour vous⁶⁹. Peu d'heures se passeront sans qu'une prière, un souvenir, un muet regard à Dieu n'appelant sur vous sa bénédiction sainte, et vous ne courez guère risque de mécompte si, à tout instant heureux ou grave pour vous, vous dites: et lui aussi là-bas, il pense à nous, il prie pour nous.

N'oubliez pas de me dire bientôt le jour et ensuite l'heure, afin que j'y sois présent par l'âme, et que vous-même me sentiez près de vous.

Je crois, cher ami, que pour don de noces Dieu vous accordera de serrer encore la main à notre Edouard. Depuis quelques jours une apparence de mieux nous laissait un peu d'espérance. Tout en y donnant confiance moi-même je n'osais vous l'écrire, car être déçu après est si amer! Mais pourquoi ne pas vous associer à un sentiment si doux qu'il commence à poindre pour que rien n'en soit perdu pour vous; espérez donc un peu, ami, et si jamais vous revoyez le pauvre malade, criez en bien haut grâce à Dieu. Je vous le dis, moi qui l'ai constamment vu, ni les médecins, ni les soins ne l'ont guéri. Un mois durant, les médecins ont renié leur art, disant: il mourra; mais Dieu, que mille voix à la fois invoquaient chaque jour, répondait: Non, il ne mourra pas.⁷⁰ Dieu aura dit vrai. J'y compte. Les médecins auront menti.

Mais c'est assez parlé souffrance et mort, à qui devant soi sent tant de force et de vie; les parts sont bien inégales en ce monde. Faites, ami, que la vôtre soit la meilleure, quoique la plus douce. Offrez votre bonheur à Dieu pour qu'il l'épure et qu'il n'en soit point jaloux. Comparez votre sort à celui d'Edouard, ou plutôt, ô mon ami, éloignez tout ceci. Aimez, aimez ardemment. Vivez en plénitude, mais toujours, toujours bénissez Dieu.

Votre frère et ami                                                       Le Prevost