1628  à M. d'Arbois

Difficultés causées par la Commune au gouvernement de l'Institut. Le canonicat de M. d'Arbois. Batailles autour de Chaville.

Chaville, 6 avril 1871

            Mon bien cher ami et fils en N.S.,

            Les lettres écrites par vous et par M. [Ad.] Lainé nous sont parvenues; présentement, celles que vous nous écririez doivent être adressées ici, le service de la poste à Paris étant inexact et mal sûr.

            Nous sommes, en ce moment, si dispersés que je ne vois pas nettement quel sujet pourra vous être envoyé pour vos œuvres. Ceux de nos ff. qui sont dans Paris n'en peuvent sortir; hier, nous en attendions plusieurs qui devaient nous venir ici, deux seulement ont pu y parvenir après de longs détours et une route fatiguante; ils auront été arrêtés aux portes. Le chemin de fer ne fonctionne plus depuis bien des jours; nous sommes séparés de Paris, comme on l'était au temps du siège. M. Guichard est toujours à Metz, et nous sommes sans nouvelles de lui; dès que nous serons sortis de ces troubles et embarras si pénibles, nous nous hâterons de vous porter secours dans la mesure de nos moyens. Les gardes nationaux obligent tous les hommes valides à marcher bon gré, mal gré; je ne sais ce qui va en être pour ceux des nôtres qui sont dans Paris, pour M. Henry [Piquet] en particulier.

            M. Lantiez pensait, jusqu'à présent, qu'il lui serait nécessaire de rester au centre de la Communauté, dont l'appui moral lui est nécessaire; je verrai dès que nous pourrons nous réunir, ce qu'il en augure définitivement.

            Pour le canonicat, il eût été mieux, je crois, selon l'esprit de notre Institut, que cet honneur ne nous fût point attribué, mais M^gr ayant déjà fait publier la nomination, peut-être y aurait-il un procédé peu aimable à s'y refuser après coup. M. de Varax croit que c'est surtout au Directeur de la Maîtrise que le titre honorifique est accordé; raison de plus pour n'y pas tenir, puisque la Maîtrise cessera, au mois d'août, d'être entre nos mains; il pense aussi qu'il ne serait pas nécessaire que j'écrivisse à M^gr d'Angers pour le remercier, afin que le fait fût comme tacitement toléré plutôt qu'accepté; je vous laisse toutefois juge de la situation et je m'en rapporterai à l'avis que vous me donnerez.

            Je vous remercie du renseignement concernant le titre dont on vous a parlé; on a écrit à Tournay pour s'assurer s'il y est ou non.

            J'ai reçu avec plaisir la petite lettre de notre cher M. Adolphe Lainé; je suis heureux de penser que votre retour est déjà un grand allègement pour le fardeau qu'il portait et qui était véritablement accablant pour ses forces.

            Prions beaucoup, chacun de nous en son lieu, pour que les discords désolants qui déchirent notre pauvre pays, déjà si malheureux, aient bientôt leur fin; puisse le grand jour de la Résurrection de notre divin Seigneur être aussi temporellement celui de notre délivrance et de notre apaisement.

            Affections à vos frères et à vous bien cordialement.

            Votre dévoué ami et Père en N.S.

                                                                                                Le Prevost

            Dimanche et lundi, les batailles avaient lieu tout autour de nous: Châtillon, Meudon, Bellevue, Vélizy; nous avons 2 ou 3.000 soldats campés chez M. Fourchon et, à vrai dire, chez nous, puisque, toutes les clôtures ayant été brûlées et détruites, ils sont aussi souvent chez nous qu'à leur campement; ce que les Prussiens ont ménagé du bois est coupé par eux; nous souffrons jusqu'au bout des ravages de la guerre; que la sainte volonté de Dieu soit faite en nous et en tout ce qui est à nous!