1712  à M. de Varax

On prie bien devant les grands spectacles de la nature. Oubli de soi et délicatesse charitable de MLP.; vacances des novices à Chaville. Le père Hello est fatigué; son amour des âmes. MLP. entre dans sa 70^e année.

Chaville, 7 août 1872

            Mon bien cher ami et fils en N.S.,

            Nous avons reçu avec joie votre lettre, et nous sommes heureux de voir que déjà vous avez ressenti le bon effet des bains, de l'air de la mer et de ce calme que le grand espace donne à toutes nos facultés, lassées par le contact quotidien avec ce centre démesuré qu'on appelle Capitale: mieux vaudrait, n'est-il pas vrai, une moins grosse tête, le corps en serait en meilleure santé.

            Je pense bien que votre attrait pour la prière et le recueillement aura trouvé aussi son compte à votre vie paisible et pleinement dégagée de toute préoccupation. On prie bien en présence des grandes œuvres du monde créé, on sent plus près de soi Celui dont la puissance les a faites, et on se sent attiré à abriter sa faiblesse sous sa force, qu'accompagne partout sa bonté; Dieu bon, Dieu fort, ayez pitié de vos faibles enfants! Qu'on est bien sous votre abri!

            Si vous l'aviez voulu, mon cher ami, j'aurais partagé ce repos avec vous; mais je n'ai pas insisté, entrevoyant que vous préfériez être seul; vous m'avez laissé entrevoir que votre bonne sœur serait avec vous, je ne vous en sais pas mauvais gré; vous avez pensé, non sans quelque raison, que je ne serais pas pour vous un bon compagnon; mon état de faiblesse et d'infirmité m'ont, depuis bien des années, accoutumé en effet à recevoir l'appui et le secours des autres plutôt qu'à les leur donner moi-même; or, qu'eût fait ma débilité accotée à la vôtre, sinon peut-être rendre votre séjour aux bains moins libre et moins reposant. Je l'ai compris, mon cher ami, et, je le répète, je n'en ai éprouvé ni surprise ni contrariété; j'en aurais d'autant moins le droit que mes jambes, un peu plus libres durant les deux derniers mois, sont, depuis votre départ, redevenues débiles en suite des orages dont mon estomac a notablement souffert.

            Aucun fait notable ne s'est passé parmi nous depuis votre départ; le Noviciat entier, avec son chef M. Chaverot, est installé à Chaville et y demeurera encore jusqu'au milieu de la semaine prochaine; nos jeunes gens, installés séparément, en dehors presque entièrement du bâtiment que nous occupons, ne nous causent pas d'incommodité bien sensible; ils sont attentifs et désireux de se rendre aimables, leur esprit est celui qui convient à leur condition. Nous avons aussi parmi nous, depuis une dizaine de jours, notre cher abbé Hello, que quelques malaises et surtout une fatigue extrême ont contraint de prendre un repos un peu prolongé. Il éprouve un mieux sensible.

            10 août. Obligé d'aller deux fois cette semaine à Vaugirard, à cause de la distribution des prix, j'ai dû laisser cette lettre inachevée; je me hâte de vous l'envoyer, regrettant d'avoir tant tardé à vous répondre.

            M. Hello est retourné à Nazareth, pas encore assez reposé, mais attiré invinciblement par le besoin de retrouver ses enfants; comme Dieu est bon d'inspirer un si grand amour des âmes à ceux qu'Il choisit pour les soutenir durant la route qui mène à Lui! Notre p. Beaussier, notre p. Planchat et tant d'autres autour de nous, et tant d'autres partout et à travers tous les âges du monde chrétien.

            La distribution de Vaugirard s'est bien faite; celle de Nazareth a été remarquablement conduite et ordonnée; la bénédiction divine est toujours sur nos humbles travaux.

            Les pluies sont incessantes; j'espère qu'à raison de la douceur de la température, elles ne contrarient pas trop vos bains.

            Adieu, mon bien cher ami; écrivez-moi bientôt pour me dire si le mieux de votre santé continue. Aujourd'hui, 10 août, je commence ma 70^e année; priez Dieu avec moi pour que ces jours de grâce, qui dépassent si fort mon attente, ne soient pas perdus pour mon amendement et ma préparation au dernier compte qui me sera bientôt demandé.

            Votre ami et Père affectionné en N.S.                 Le Prevost