48  à M. Levassor

La vocation sacerdotale de M. Levassor se dessine. Mariage de leur ami Marziou. La santé d'Ed. Guépin décline. Nouvelles des pauvres visitées par la Conférence St-Sulpice.

23 septembre 1835

Mon très cher ami,

Vous ne pouviez me causer une joie plus vive qu'en me donnant la nouvelle contenue dans votre dernière lettre. Vous avez remis votre sort aux mains de deux saints prêtres, c'est admirable, mon ami, de cette sorte le sacrifice est déjà fait; si, contre mon vœu, Dieu ne l'acceptait pas, il ne vous en tiendrait pas moins compte et tout votre avenir, j'en suis sûr, en serait mieux selon le cœur du Maître. Ce grand pas fait, il en reste un autre encore difficile à franchir, la volonté peut-être opposante de votre famille; mais Dieu encore a les cœurs en main, je suis en paix, tout sera pour le mieux. N'oubliez pas, mon ami, le vif et tendre intérêt que m'inspire cette grande affaire et si quelque incident plus décisif survient, ne manquez pas de m'en informer.

Il y aura demain 8 jours que notre ami Marziou a dû s'engager en des liens bien durables pour un esprit si mobile, bien forts, pour une âme si tendre. Pauvre enfant! un beau rêve d'amour, de douces joies au foyer est passé devant ses yeux, vite il l'a voulu saisir; mais le rêve passé ne lui reste-t-il nul regret? Dieu l'aime, ceci me console. Il était en lutte pourtant durant son séjour ici, concilier l'ardente piété qu'il avait eue avec les joies mondaines l'embarrassait un peu, la piété avait forcément fléchi, mais il en restait assez pour donner bonne espérance à ses amis. Deux jours avant son mariage, il m'écrivait: "Oh! mon ami, qu'il y a loin de la sublimité des fonctions que j'avais choisies au misérable état où je vais entrer". Prions beaucoup pour lui, mon cher ami, il l'a demandé et il en a besoin. Il y a quelques mois, il s'est consacré à la S^te Vierge, en prenant le S^t scapulaire, elle le gardera comme son enfant; je ne comptais guère ce jour-là (j'étais avec lui à la chapelle des Carmes) que sitôt il faudrait invoquer pour lui l'aide de notre sainte patronne.

J'ai reçu récemment des nouvelles de notre pauvre Ed. Guépin. Il se trouve toujours faible, maigre, toussant, ne dormant pas; c'est une ombre, et pourtant, pauvre enfant! il ne parle que d'avenir. Il est pieux toujours; Dieu lui payera ses souffrances, je crois que maintenant elles ne peuvent durer longtemps.

Je vais m'occuper de remettre nos petites ressources pour le loyer; mais il manque toujours 27f et je le dis à regret, mon ami, je ne vois aucun moyen d'y pourvoir. Avisez. M^me Meslin se rappelle à votre souvenir; elle a fait courageusement toutes les démarches pour obtenir les 5f du bureau, elle a un certificat d'âge, mais je ne sais si on voudra l'admettre.

Adieu, mon cher ami, je me recommande toujours à vos prières; pas un seul jour vous n'êtes oublié dans les miennes; invoquez aussi pour moi le vénérable M. Lecomte.

A vous en J.C.

Le Prevost