78  à M. de Montrond

A son ami qui rentre d'un séjour en Suisse, MLP. avoue que, cette année, la vie sédentaire lui a pesé. Mais la présence de Dieu ne lui a pas fait défaut. M. Levassor s'apprête à venir à Paris.

Paris, 20 octobre 1838

Mon cher ami,

J'ai été vraiment heureux, après votre si longue absence, de recevoir de vous une lettre qui m'apportait directement de vos nouvelles. Quand on laisse, comme vous un peu de son âme dans tout ce qu'on écrit, on est bien sûr de réjouir le cœur d'un ami, en s'entretenant avec lui, même à distance, et par l'intermédiaire d'une lettre, quelqu'insuffisant que soit d'ordinaire ce moyen.

Je vous en remercie donc beaucoup, mon très cher ami, et viens vous répondre avec un empressement qui vous prouve combien me sont précieux les témoignages de votre affection. Nous n'avons point chez nous, comme vous, la joie d'aller un peu respirer le grand air des montagnes, pas même celui des bois, ni des champs. Nous avons gardé le logis toute cette saison, non sans gémir parfois à travers les barreaux de la cage, non sans secouer aussi la chaîne qui nous semblait, dans ces derniers jours surtout, bien lourde à traîner. Tout le monde, de tout étage et condition, les saints comme les mondains, les riches et ceux qui voudraient l'être, tous s'envolaient, c'était une vraie désertion.

Heureusement, Dieu est partout et demeure avec ceux qui restent, en même temps qu'il est avec ceux qui s'en vont. Nous ne pouvions donc pas nous plaindre ni nous dire délaissés. Là où est Dieu, tout est bien, puisqu'il était avec nous, le lieu n'importait plus. Malheureusement, c'était nous peut-être qui n'étions pas avec lui! Vous qu'Il aime et qu'Il écoute, n'oubliez pas, mon cher frère, de l'invoquer souvent pour nous.

Vous apprendrez avec joie, j'en suis assuré, que notre bon ami Levassor sera bientôt dans notre voisinage. Il doit, me dit-on, arriver ici prochainement, pour achever son Séminaire. Il a, ces jours derniers, marié son frère en Normandie, à la satisfaction de tous.

J'ai fait votre commission, pour le tableau, selon votre désir, etc. etc.

Adieu, mon bon ami, ne m'oubliez pas devant Dieu, et croyez à la cordiale affection de votre ami et frère.

Le Prevost